mardi, novembre 07, 2006

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Mis en ligne : 10 mai 2006

Le Roi Christophe de Haïti : « On nous vola nos noms »
« La Tragédie du Roi Christophe », d’Aimé Césaire

Khalid Chraibi


A. Césaire : « Haïti est la première colonie noire à s’être battue pour son indépendance puis, une fois son indépendance conquise, à prendre le régime de république. Cela se passait à la fin du 18è s. Actuellement, le peuple haïtien est l’un des peuples les plus malheureux, à cause de la situation que vous connaissez. J’ai été fasciné par Haïti, parce que c’est une sorte « d’œil grossissant » pour toutes les Antilles, et pour l’Afrique aussi, et en étudiant l’histoire d’Haïti, on pourrait avoir une idée de tous les problèmes du Tiers-Monde. » (Extraits d’un entretien avec A. Césaire réalisé par K. Chraibi)

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« La Tragédie du Roi Christophe », une pièce d’Aimé Césaire créée au théâtre de l’Odéon à Paris en mai 1965, raconte la tragique épopée de Christophe, un esclave, cuisinier de son état, qui prit une part éminente à la lutte de libération d’Haïti, devenant général, puis s’autoproclamant roi, avant de devenir un dictateur sanguinaire. Ni héros, ni saint, ni usurpateur, c’était un homme doué d’une immense bonne volonté, qui essayait désespérément de trouver sa voie. Cherchant à émuler la grandeur de la France, il s’entoura tout d’abord d’une Cour grandiose, « parfaite réplique en noir de ce que la vieille Europe a fait de mieux en matière de Cour », parce que « la forme, mon cher, c’est ça, la civilisation ». Pendant quelque temps, il fut un chef très populaire, contrairement à son rival, « cette couille molle de Pétion qui a proposé de verser une indemnité aux anciens colons, lui, un Noir, pour les avoir imprudemment frustrés du privilège de posséder des noirs. »

Mais, Christophe, l’ancien esclave, comprend rapidement qu’il ne suffit pas de s’entourer d’une Cour, pour effacer la tragédie du peuple haïtien « déraciné, humilié par la colonisation, ravalé collectivement au rang de la bête ». Il observe avec amertume : « Jadis, on nous vola nos noms. D’estampilles humiliantes on oblitéra nos noms de vérité. Sentez-vous la douleur d’un homme de ne savoir pas de quel nom il s’appelle ? A quoi son nom l’appelle ? »

Maintenant qu’il est roi, il décide : « De noms de gloire je veux couvrir vos noms d’esclaves, de noms d’orgueil nos noms d’infamie, de noms de rachat nos noms d’orphelins ». Pour symboliser cette « nouvelle naissance », Christophe rêve de construire une Citadelle, immense, gigantesque, « une ville, une forteresse, un lourd cuirassé de pierre inexpugnable … à ce peuple qu’on voulut à genoux, un monument qui le mît debout… une citadelle construite par le peuple tout entier et symbolisant « la liberté de tout un peuple ». Il faudra travailler, et travailler encore, car « la liberté ne peut subsister sans le travail. » Il s’agit d’une œuvre gigantesque à soutenir si on veut mettre « tout cela debout », « mettre tout cela debout et à la face du monde, et solide. »

Mais, les paysans haïtiens ne comprennent guère la nécessité de construire cette citadelle. Ils ne comprennent pas la logique de ce roi qui leur déclare : «Ou bien on brise tout, on bien on met tout debout », et qui décide que « la liberté, ce n’est pas la liberté facile. » Mais Christophe insiste : « On brise, cela peut se concevoir… Tout par terre, la nudité nue. Restent la terre, le ciel : les étoiles, la nuit, nous les Nègres avec la liberté, les racines, les bananiers sauvages. Ou bien on met debout. Et vous savez la suite. Alors, il faut soutenir. Il faut porter : de plus en plus haut. De plus en plus loin. »

Christophe est convaincu d’avoir fait le bon choix et décide d’obliger son peuple à le soutenir, « au besoin par la force ». D’où le commencement d’une dictature sanguinaire, impitoyable, qui réglemente les heures de travail et les heures de repos, déclarant inconstitutionnel le droit à la fatigue et à la lassitude. Malgré toute la peine que cela lui fait, Christophe n’hésite pas à mettre à mort ses plus vieux compagnons de route, lorsqu’ils commencent « à trop parler ». Quand ses propres généraux lui font défection, il se retrouve seul, atteint de surcroit de paralysie à cause du surmenage auquel il s’est astreint. Il mit fin à ses jours de manière tragique, en se tirant une balle dans la tête, lorsqu’il apprit que son armée avait complètement rallié l’armée de ses rivaux.

Le roi Christophe, dans sa quête de réhabilitation de sa race, vis-à-vis d’elle-même et vis-à-vis du monde entier, a-t-il trop demandé à son peuple ? Il s’en défend : « Je demande trop aux hommes. Mais pas assez aux Nègres, Messieurs. S’il y a une chose qui, autant que les propos des esclavagistes, m’irrite, c’est d’entendre nos philanthropes clamer, dans le meilleur esprit sans doute, que tous les hommes sont des hommes et qu’il n’y a ni blancs ni noirs. C’est penser à son aise, et hors du monde, Messieurs. Tous les hommes ont les mêmes droits. J’y souscris. Mais, du commun lot, il en est qui ont plus de devoirs que d’autres. Là est l’inégalité. Une inégalité de sommations, comprenez-vous ?

A qui fera-t-on croire que tous les hommes, je dis tous, sans privilège, sans particulière exonération, ont connu la déportation, la traite, l’esclavage, le collectif ravalement à la bête, le total outrage, la vaste insulte, que tous, ils ont reçu plaqué sur le corps, au visage, l’omniniant crachat ? Nous seuls, Messieurs, vous m’entendez, nous seuls, les nègres. Alors, au fond de la fosse. C’est bien ainsi que je l’entends. Au plus bas de la fosse. C’est là que nous crions : de là que nous aspirons à l’air, à la lumière, au soleil. Et si nous voulons remonter, voyez comme s’imposent à nous, le pied qui s’arcboute, le muscle qui se tend, les dents qui se serrent… Et voilà pourquoi il faut en demander aux nègres plus qu’aux autres : plus de travail, plus de foi, plus d’enthousiasme, un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas. C’est d’une remontée jamais vue que je parle, Messieurs, et malheur à celui dont le pied flanche. »

Pour nombre de personnes, le roi Christophe reste, à l’instar de Spartacus, le symbole de l’homme révolté contre la condition d’esclavage qui a prévalu pendant des millénaires dans les sociétés les plus diverses. Mais, aussi inattendu que cela soit, dans sa quête pathétique d’une identité qui lui soit acceptable, le roi Christophe peut aussi être considéré comme le précurseur et le modèle d’une multitude de leaders « visionnaires » qui se sont succédés depuis les années 1950 dans les pays d’Afrique, d’Asie, d’Europe de l’Est ou d’Amérique Latine. Comme lui, ces derniers ont tour à tour joué le rôle de libérateurs adulés et de chefs écoutés, avant d’assumer le rôle de dictateurs sanguinaires.

OUMMA.COM
Mis en ligne : 15 mai 2006

1er muharram : Calendrier lunaire ou islamique ?

Khalid Chraibi


Depuis que l’usage du calendrier grégorien s’est généralisé dans les pays musulmans, après leur occupation par des puissances étrangères aux 19è et 20è siècles, le calendrier islamique s’est progressivement trouvé relégué à des fonctions de protocole et de représentation, qu’il assume essentiellement à l’occasion du 1er muharram, du 1er ramadan, de l’aïd el fitr ou de l’aid al adha. Nul ne songerait, de nos jours, à dater un contrat, à faire des réservations de billets d’avion ou de chambres d’hôtel, ou à programmer une conférence internationale sur la base des données de ce calendrier.

En effet, ses dates sont associées à des jours différents dans différents Etats musulmans et il ne permet pas, à l’intérieur du même pays, de planifier d’activités au-delà du mois en cours.
A titre d’illustration, le 1er shawal 1426, jour de célébration de l’aïd el fitr, correspondait au mercredi 2 novembre 2005 en Libye et au Nigéria ; au jeudi 3 novembre dans 30 pays dont l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite et une partie des Etats-Unis ; au vendredi 4 novembre dans 13 pays dont le Maroc, l’Iran, le Bangladesh, l’Afrique du Sud, le Canada, une partie de l’Inde et une partie des Etats-Unis ; et au samedi 5 novembre dans une partie de l’Inde. Cet état des choses n’est nullement exceptionnel, mais se renouvelle chaque mois.

Faudrait-il conclure, à partir de cette illustration, que le calendrier lunaire doit être définitivement abandonné, dans les sociétés musulmanes, au profit du calendrier grégorien ? Nullement. En fait, comme nous le verrons, ce sont les procédures d’élaboration du calendrier islamique qui doivent être réévaluées.

Sur le plan astronomique, les données de la situation sont simples. Le mois lunaire débute au moment de la « conjonction » mensuelle, quand la Lune se trouve située sur une ligne droite entre la Terre et le Soleil. Le mois est défini comme la durée d’une rotation de la Lune autour de la Terre (29,53 j), donnant pour l’année de 12 mois une durée de 354,37 j. Les astronomes ont posé, il y a quelques milliers d’années, la convention que des mois de 30 j et de 29 j se succédaient en alternance, ce qui permettait de faire correspondre la durée de rotation de la Lune sur deux mois successifs à un nombre de jours entiers (59), laissant à peine un petit écart qui se cumulait pour atteindre 24 h (soit l’équivalent d’un jour) en 2,73 ans. Il suffisait d’ajouter un jour tous les trois ans au calendrier lunaire pour solder cet écart, de la même manière qu’on ajoute un jour tous les quatre ans au calendrier grégorien.

Le calendrier islamique est basé sur de toutes autres conventions. Le Prophète a recommandé aux fidèles de commencer le jeûne du mois du ramadan avec l’observation de la naissance de la nouvelle lune [au soir du 29è j du mois] et d’arrêter le jeûne avec la naissance de la nouvelle lune (du mois de shawal). « Si le croissant n'est pas visible (à cause des nuages) comptez jusqu'à 30 j. ».

Les théologiens et les autorités temporelles en ont déduit, à tort ou à raison, que chacun des Etats islamiques devait (ou pouvait) procéder pour son propre compte à l’observation mensuelle de la nouvelle lune dans le ciel (ou à défaut attendre l’achèvement d’un 30è j) avant de décréter le début d’un nouveau mois sur son territoire, au lieu de faire démarrer le mois avec la conjonction mensuelle.

Or, le croissant lunaire ne devient vraiment visible que quelques 18 h après la conjonction, et sujet à l’existence de conditions favorables relatives à des facteurs tels que le nombre d’heures écoulées depuis la conjonction ; les positions relatives du Soleil, du croissant lunaire et de l’observateur ; l’altitude de la lune au coucher du soleil ; le lieu où l’on procède à l’observation ; l’angle formé avec le soleil au moment du coucher ; les conditions d’observation (pollution, humidité, température de l’air, altitude) ; les conditions météorologiques (absorption et extinction des rayons lumineux en provenance de la Lune, la température au sol, les effets saisonniers) ; le contraste de brillance entre le croissant lunaire et le ciel ; la limite de détection de l’œil humain…

Selon les mois et les saisons, les conditions favorables d’observation de la nouvelle lune seront réunies en des sites différents du globe terrestre. Des astronomes et des informaticiens réputés ont établi des procédures permettant de prédire à l’avance, chaque mois, dans quelles régions du globe les conditions optimales seront réunies pour observer la nouvelle lune. Ainsi, en 1984, un physicien malais, Mohamed Ilyas, a pu tracer au niveau du globe terrestre une ligne de démarcation, ou ligne de date lunaire, à l'ouest de laquelle le croissant est visible le soir du nouveau mois, alors qu’il ne peut être vu à l’est de cette ligne que le soir suivant.

Mais tous ces efforts, si admirables soient-ils, restent marginaux par rapport à la question centrale : « qu’est-ce qui empêche l’adoption par les sociétés islamiques du calendrier lunaire basé sur le calcul astronomique, puisqu’il répond parfaitement aux besoins de leur situation ? »
Il faut rappeler, dans ce contexte, que la dynastie des Fatimides en Egypte a utilisé ce calendrier au cours d’une période de deux siècles, entre les 10è et 12è s., avant qu’il ne tombe dans l’oubli à la suite d’un changement de régime.

Ce sont des arguments d’ordre théologique, fondés essentiellement sur deux ou trois hadiths du Prophète, qui sont le plus souvent cités pour préserver le statu quo et empêcher l’utilisation du calcul astronomique. Mais, ils laissent sceptiques.

En effet, le Coran n’interdit nulle part l’usage du calcul astronomique, qui est donc licite. Un verset déclare : "C'est Lui (Dieu) qui a fait du Soleil une clarté et de la Lune une lumière ; il en a déterminé les phases afin que vous connaissiez le nombre des années et le calcul du temps" (Younous, X :5).

Le Prophète a simplement recommandé aux fidèles une procédure d’observation de la nouvelle lune qui était parfaitement courante à l’époque, et adaptée au contexte de la région, quand les étoiles servaient de points de repère aux Bédouins au cours de leurs déplacements dans le désert.

L’observation de la lune n’était qu’un moyen, pour déterminer le début du mois, et non pas une fin en soi, un acte d’adoration. Le hadith relatif à l’observation n’établissait pas une règle immuable, pas plus qu’il n’interdisait l’utilisation du calendrier astronomique.

A titre d’illustration, l’Arabie Saoudite a abandonné en 1999 la procédure d’observation de la nouvelle lune, pour lui substituer une nouvelle procédure basée sur le calcul des horaires de coucher du soleil et de la lune aux coordonnées de la Mecque, le soir du 29è j de chaque mois. Le coucher du soleil avant la lune indique le début du nouveau mois. Dans le cas inverse, le mois en cours aura une durée de 30 j.

De nombreux experts défendent la notion que le hadith ne parle pas d’une observation visuelle de la nouvelle lune, mais plutôt de l’acquisition de l’information, selon des sources crédibles, que le mois a débuté. Cela ouvre de toutes autres perspectives dans la discussion de cette question.
Quant au hadith du Prophète selon lequel les bédouins ne savent ni lire ni compter, et doivent donc éviter d’utiliser le calcul (astronomique), Ibn Taymiya observe que l’argument pouvait être fondé au début du 7è s. mais conteste qu’il puisse encore s’appliquer aux musulmans des siècles plus tard, après qu’ils aient été à l’avant-garde du développement de la connaissance scientifique, y compris en astronomie, pendant des siècles. Il souligne que les musulmans n’auraient pas de quoi s’enorgueillir s’ils étaient restés illettrés.

Plus généralement, on peut observer que les juristes musulmans s’enorgueillissent de la capacité de la loi islamique à s’adapter en tous temps, en tous lieux et en toutes circonstances aux besoins des sociétés les plus diverses. Nombre de points fondamentaux de la loi ont fait l’objet d’interprétations différentes, au fil des siècles. Pourquoi serait-il donc impossible de substituer une autre interprétation au hadith du Prophète sur la question de l’utilisation par la communauté musulmane du calendrier basé sur le calcul astronomique ?

Mis en ligne juin 2006

Le Cheikh d’Al Azhar et le Mufti d’Egypte : des lectures différentes de la charia

Khalid Chraibi


« La femme est-elle habilitée à diriger la prière ? La charia l’y autorise-t-elle ? » La question, sous son apparence anodine, soulève, de l’avis des experts, des points de droit complexes qui méritent qu’on s’y arrête.

En effet, ni le Coran, ni la Sounna, les deux sources fondamentales de la charia, ne se prononcent sur cette question, laissant donc, en théorie, une totale liberté de décision aux communautés musulmanes, chacune selon ses spécificités et ses options. Pourtant, des juristes musulmans illustres, représentant des écoles de pensée différentes, tentent d’imposer chacun le point de vue de son école comme étant le seul qui reflète réellement le point de vue de la charia.

Ainsi, Mohamed Sayed Tantaoui, Grand Cheïkh d’Al Azhar (Le Caire) et Yusuf Qaradawi, juriste égyptien émérite, estiment-ils qu’une femme ne peut pas diriger une prière mixte. Par contre, Cheïkh Ali Jomaa, Grand Mufti d’Egypte, souligne qu’il « n’y a pas de consensus interdisant à la femme de diriger la prière. S’il y a des hommes qui acceptent d’être dirigés par une femme, toujours en matière de prière, qu’ils le fassent ». Jomaa ne voit pas non plus d’obstacle à ce qu’une femme puisse accéder à la fonction la plus haute en matière de jurisprudence religieuse, celle de mufti.

Entre le Cheikh d’Al Azhar et le Mufti d’Egypte, qui faut-il croire ? Qui reflète réellement le point de vue de la charia ? On peut même se demander s’il s’agit vraiment d’un point de charia, et non point d’une simple question de traditions nationales, en l’absence de toute référence à la question de l’imamat de la femme dans le Coran et la Sounna.

La question n’est point d’ordre purement académique. En mai 2006, elle a fait l’objet d’une (courte) polémique au Maroc, un pays dont le champ religieux est pourtant en cours de restructuration et de modernisation depuis l’accession du roi Mohamed VI au trône en 1999.
Le ministère marocain des affaires islamiques a procédé, dans le cadre du programme de modernisation du champ religieux, à la formation d’une première promotion d‘imams et de « morchidates », chargés « d’enseigner, d’expliquer le Coran, le Hadith et la Sounna, c’est-à-dire d’instruire, de former et de répondre aux besoins des femmes et des hommes en ce qui concerne leur vie religieuse ».

Les imams (hommes) ayant, parmi leurs prérogatives, de diriger la prière du vendredi dans les mosquées et d’y faire le prêche, des journalistes se demandèrent si les « morchidates » (femmes) allaient assumer les mêmes responsabilités.

Un haut responsable du ministère observa que rien, dans la charia, ne s’opposait à cela, ce qui provoqua des réactions immédiates dans certains médias, poussant les autorités du pays à demander au Conseil Supérieur des Oulémas du Maroc (CSO) de clarifier la position de la Charia à propos de l'imamat de la femme « selon le rite malékite ».

Dans une fatwa datée du 26 mai 2006, le CSO observa que le Maroc avait choisi d’appliquer le rite malékite depuis la constitution de l’Etat marocain, et que ce rite « s’est orienté vers ce qui est généralement admis, à savoir que la femme n’est pas habilitée à diriger la prière, tel que l’enseignent les propos des imams du rite, toutes époques confondues. » Il conclut qu’il « n’a jamais été prouvé, que ce soit dans l’Histoire du Maroc ou chez ses oulémas, qu’une femme ait dirigé à la mosquée la prière des hommes ou des femmes. C’est là une tradition perpétuée par les habitants de ce paisible pays et consacrée à travers les temps. »

Il faut noter, pour mettre les choses dans leur véritable perspective, que les femmes marocaines ne se sentiront pas déçues ou frustrées de ne pas pouvoir diriger la prière ou de faire le prêche dans les mosquées. En effet, après une lutte de plusieurs décennies pour la réforme du code du statut personnel, et grâce à l’appui décisif du roi Mohamed VI, les organisations féminines marocaines ont vu leurs efforts couronnés de succès en 2004 par l’adoption d’un nouveau Code de la famille. Largement inspiré de la Charia, comme le précédent, il se distingue de ce dernier par une lecture plus moderne de ses dispositions et est considéré, à juste titre, comme l’une des législations les plus progressistes du monde arabe en la matière. Aujourd’hui, les femmes marocaines concentrent leurs efforts sur la mise en œuvre, dans la vie quotidienne et au niveau des tribunaux, des dispositions du nouveau Code, sans se laisser distraire par des polémiques marginales.

Rappelons aussi qu’une fatwa, qu’elle émane du Cheikh d’Al Azhar ou du Grand mufti d’Egypte, par exemple, n’est pas un texte de loi ou une décision judiciaire dont l’application s’impose de manière impérative à qui que ce soit. Son objectif est de présenter un point de vue juridique compétent qui permet à toutes les parties intéressées de mieux saisir ce que la loi dit sur une question d’actualité. Comme il ressort de l’exemple cité, deux des plus grandes autorités de la charia en Egypte peuvent faire des lectures différentes de la charia, défendre des thèses opposées et déboucher sur des conclusions incompatibles entre elles, alors qu’elles traitent de la même question.

Le CSO est donc parfaitement fondé de faire sa propre lecture des faits, et d’invoquer le rite malékite, qui est à la base du droit musulman appliqué au Maroc depuis des siècles, ainsi que les traditions marocaines, pour rendre une opinion juridique qui explique au public marocain ce que la pratique marocaine en matière d’imamat de la femme a été dans le passé. C’est aussi son droit de recommander que le Maroc continue à éviter l’imamat de la femme à l’avenir, d’autant plus que, dans ce cas précis, l’application de cette recommandation ne dérangera personne dans la société marocaine.

La situation est tout autre, si l’on essaie de dépasser le cas précis à l’étude, pour se placer au niveau des principes généraux de droit. On est alors fondé de se poser la question : Est-ce que les choix de société qui ont été faits par les oulémas marocains au cours des siècles passés doivent nécessairement être perpétués à l’avenir, dans tous les cas de figure ? Doivent-ils être notre seul guide pour la construction de notre société de demain ? La société actuelle n’a-t-elle pas le droit d’opérer ses propres choix, en tenant compte de ses circonstances présentes et des objectifs qu’elle cherche à atteindre ?

Mis en ligne juin 2006

Aimé Césaire : Il est bien plus difficile d'être un homme libre que d'être un esclave

Khalid Chraibi


A l'occasion du 93è anniversaire d'Aimé Césaire le 26 juin 2006, Oumma.com est heureuse de souhaiter un bon anniversaire à M. Aimé Césaire en reprenant l'interview ci-après, recueillie par Khalid Chraibi, en avril 1965 à Paris, à l'occasion de la création, au théâtre de l'Odéon de Paris, de la pièce d'Aimé Césaire « La Tragédie du Roi Christophe », dans une mise en scène de Jean Marie Serreau.

Cette pièce avait précédemment été présentée à Berlin, Venise, Salzburg, Vienne et Bruxelles. La pensée du grand poète et dramaturge Césaire est toujours d'actualité sur de nombreuses questions qui nous intéressent aujourd'hui

Une interview exclusive d’Aimé Césaire : La Tragédie du Roi Christophe

K.C. : La Tragédie du Roi Christophe, malgré les scènes de détente qui la parsèment, est une pièce extrêmement dure. Historiquement, elle retrace un épisode authentique de l’Histoire d’Haïti, mais souvent, on a l’impression que, par-delà Haïti, c’est à l’Afrique moderne que le Roi Christophe s’adresse. Que représente pour vous cette pièce ?

A. Césaire : Tout d’abord, je désire insister sur le fait que la tragédie du Roi Christophe représente un épisode authentique de l’Histoire d’Haïti. En France, beaucoup de gens m’interrogent sur le Roi et croient que c’est une histoire imaginaire. Il n’en est rien. Nous avons une documentation extrêmement détaillée sur le règne du Roi Christophe, les ruines de la Citadelle qu’il a construite pour commémorer à tout jamais la libération d’Haïti existent encore.

La pièce respecte scrupuleusement l’histoire, les événements, au point que beaucoup de mots prononcés par Christophe sont historiques, parfois rapportés tels quels. C’est donc une pièce haïtienne, Antillaise avant tout. J’ai même essayé de donner à la langue française cette couleur antillaise, à la fois dans le vocabulaire et la syntaxe. Cette atmosphère authentique, on la retrouve aussi dans une certaine emphase, très caractéristique de la vie politique haïtienne.

Cela, pour mettre en garde contre les analogies trop rapides. Mais, il est clair que par-delà Haïti, le Roi Christophe de ma pièce s’adresse à l’Afrique (indirectement, si vous voulez). J’ai été frappé moi-même, et si j’ai choisi ce sujet, c’est pour cela, par l’intérêt que l’épisode du Roi Christophe présente, et les analogies qui existent entre les problèmes qu’il eut à résoudre et ceux auxquels doivent faire face les pays sous-développés.

Aucune analogie n’est totale, mais en fait le Roi Christophe, c’est un peu l’homme d’Etat aux prises avec les problèmes de l’indépendance réalisée, quand il faut édifier l’Etat : c’est à ce moment-là que se présentent les grands problèmes : liberté, démocratie ou autocratie, les relations entre le « leader » et le « peuple », le grave problème du choix des idéologies, le problème de la différentiation en classes sociales de la population. Le Roi Christophe est aux prises avec tout cela, et dramatiquement, il échoue, car il n’est pas préparé à cela… Il est un esclave révolté, un homme de sang et d’orgueil, mais malgré ses bonnes intentions, il échoue.

Je ne cache pas, dans ma pièce, ses faiblesses ni ses ridicules, mais ne le condamne pas, car par-delà son ridicule, il y a l’amour qu’il porte à son « peuple » (je n’aime pas ce terme, mais il n’y en a pas d’autre !), et l’orgueil collectif qu’il veut rendre à ses concitoyens humiliés par la colonisation. Son aventure est tragique : il s’isole, un fossé se creuse entre lui et la population, et il se retrouve seul.

Or, c’est là le problème de la condition de l’homme politique dans les pays sous-développés, et en Afrique particulièrement. Je n’ai pas voulu faire une pièce didactique, dont l’objet essentiel serait « d’enseigner », … ce qui ne signifie pas non plus qu’on ne puisse pas en tirer la leçon.

On me demande souvent : « Etes-vous Christophien ou non ? » . La réponse n’est pas simple. Je suis choqué par toute une série d’attitudes du Roi Christophe, qui a un côté « nouveau riche », un côté « Monsieur Jourdain ». Et puis, par les moyens extrêmement brutaux, le côté « despote » du personnage qui ne peut avoir mon approbation. Mais le Roi Christophe n’est pas un héros, c’est un homme, dans toute sa complexité, et c’est cela qui est dramatique, pathétique. L’originalité de ma pièce, c’est de montrer l’aspect multiple des gens. On peut ne vouloir voir dans le Roi Christophe que son ridicule, ces ducs de la Marmelade qu’il nomme à sa « Cour », et dire : « Eh bien, voyez les nègres ! ». Ce que j’ai voulu faire, c’est expliquer ces singeries humainement, et on s’aperçoit alors qu’il y a une démarche qui ne manque pas de pathétique ni de grandeur. En fin de compte, c’est ce côté pathétique, « grand », qui émerge le plus.

Le Roi Christophe est un esclave, et ses démarches sont maladroites, ridicules parfois, mais attendrissantes. Ces démarches, je les comprends. Et il y a surtout la tragédie de l’homme qui dit : « On nous vola nos noms ». Car, moi-même, mon nom, qu’a-t-il d’authentique par rapport à moi ?

Ce que j’ai voulu, c’est, par-delà le ridicule, retrouver et expliquer la démarche humaine. Car, il est très facile de se moquer des Haïtiens qui ont de « drôles de noms », tous ces Toussaint, etc., mais il ne faut pas oublier que ces noms, ces sobriquets (Trou Bonbon, Tape-à-l’œil…) ce sont les Français qui les ont donnés aux Antillais.

K.C. : Vous parlez du Roi Christophe avec respect pour sa souffrance, mais avec amour aussi, bien qu’il soit le « tyran ». A ce sujet, un des personnages de votre pièce dit, et cela explique le drame du Roi Christophe : « L’Histoire pour passer n’a parfois qu’une voie. Et tous l’empruntent… si bien que celles de la liberté et de l’esclavage se confondraient. » Cette affirmation est très grave, à notre époque caractérisée par le « mythe du Chef ». Voudriez-vous, pour éviter tout malentendu, nous expliquer plus en détail votre pensée ?

A. Césaire : Le problème de la mystique du Chef est en effet extrêmement grave. Lénine, c’est aussi le chef, si vous voulez. Mais il ne faut pas de malentendu : Christophe échoue ; et c’est parce qu’il a pris la mystique du chef, qu’il s’est isolé, qu’il n’a pas suffisamment tenu compte de son peuple, qu’il échoue. Parce qu’il ne manifeste pas de « compréhension », comme dit un des personnages. Pourquoi alors la pièce est-elle un hymne à Christophe ? C’est parce que, malgré toutes ses erreurs, ses faiblesses, c’est un homme qui a voulu la grandeur de son peuple, qui a voulu réhabiliter sa race, parce qu’il était porté, dans ses actes, par une grandiose aspiration à la dignité.

C’est un homme très ambigu, mais très important en ce qu’il constitue une articulation historique : c’est un homme de transition. Je n’ai pas voulu simplifier, j’ai voulu montrer les choses dans leur ambiguïté. Lénine lui aussi, qui comprenait cet aspect ambigu des hommes, a parlé en termes élogieux de certains hommes de l’Histoire qui étaient de grands féodaux, mais qui étaient aussi des libérateurs de leur peuple.

En dehors du côté politique du Roi Christophe, il y a le côté humain : c’est le problème de l’homme seul, de l’action, du tragique de la condition humaine. Mais il y a aussi le côté religieux et métaphysique, qui ne ressort pas à la lecture de la pièce, mais que j’ai accusé à la représentation sur scène : il y a l’existence d’une lutte secrète. Remarquez le couple Christophe-Hugonin. Tout le monde y voit un côté shakespearien : roi et bouffon. Mais plus profondément, il faudrait partir d’un côté africain. Christophe, l’homme dur, est la représentation du Dieu « SHANGO », le grand « Dieu du ciel » de la mythologie du Dahomey, du Brésil et de Haïti. C’est le « tonnerre », Dieu très violent, mais bienfaisant et rajeunisseur : il est l’orage, qui est violent, mais qui féconde la terre en apportant la pluie bienfaisante.
Extraordinairement, Shango est le seul Dieu de la mythologie qui se tue : il se pend.

L’autre aspect des choses est représenté dans cette mythologie par un Dieu-clown, que les Anglais appellent « trickster » (qui joue des tours), incarné dans la pièce par le « bouffon » Hugonin. C’est un Dieu malin qui, sous son caractère ironique, représente l’autre aspect, complémentaire, des choses. C’est la lutte de l’esprit ironique contre l’esprit sérieux. Or, Christophe s’est suicidé, et Hugonin devient fou. Le « bouffon » qui devient fou, c’est cela la tragédie, aussi, dans son horreur.

K.C. : Aimé Césaire, vous avez écrit, en introduction à votre pièce : « Les pays coloniaux conquièrent leur indépendance, là est l’épopée. L’indépendance conquise, ici commence la tragédie. » Voudriez-vous nous commenter cette pensée ?

A. Césaire : Effectivement, la lutte pour l’indépendance est glorieuse, magnifique. Mais, je dirais que c’est « relativement facile ». Qu’on ne se méprenne pas sur ma pensée. La lutte pour l’indépendance coûte beaucoup de sang et de larmes, c’est un acte héroïque, mais c’est « facile » comparé aux problèmes qu’il faut résoudre, une fois l’indépendance conquise. La lutte est épique, mais avec du courage et de l’enthousiasme, c’est réalisable. C’est l’épopée. Après l’indépendance, c’est la tragédie. Car, c’est à ce moment-là, et les gens devraient s’en rendre compte, que la lutte difficile commence, que la lutte pour la libération prend son sens. A ce moment-là, on lutte pour soi-même, il n’y a plus d’alibi possible, l’homme est aux prises avec lui-même.

C’est là le côté le plus viril de la lutte, mais aussi le plus dur. Car l’esclave, à la limite, n’a pas de responsabilités : théoriquement, il se contente de faire le travail qu’on lui ordonne de faire, de manger et de dormir.

Naturellement, il est bien plus difficile d’être un homme libre que d’être un esclave. Mais toute la dignité de l’homme vient de ce qu’il préfère la liberté difficile à l’esclavage et la soumission faciles. C’est de cela que les pays nouvellement indépendants doivent prendre conscience, c’est de cela que le Roi Christophe a pris conscience… Sekou Touré a très bien exprimé cela en répondant au Général de Gaulle : « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à l’opulence dans l’esclavage. »

K.C. : Aimé Césaire, votre œuvre, l’une des lus profondément originales du Tiers Monde et des temps modernes d’une manière générale, trouve son inspiration la plus puissante dans les racines les plus « authentiques » de Haïti et de sa culture, mais c’est en même temps une œuvre extrêmement difficile et élaborée du point de vue artistique. C’est l’un des points les plus délicats de l’art contemporain du Tiers Monde : l’art doit-il d’abord chercher à être accessible au grand public, ou bien l’artiste doit-il faire son travail « en artiste », sans faire de concessions aux contingences de son époque ?

A. Césaire : Votre question est extrêmement intéressante, et soulève un problème très important. Je vais essayer d’y répondre. Tout d’abord, bien que mon œuvre soit « haïtienne », je suis Martiniquais, non Haïtien. Mais je suis « Antillais » surtout (les Antilles englobant Haïti, la Martinique, etc. Haïti m’a intéressé parce qu’elle a l’histoire la plus mouvementée, la plus passionnante, la plus glorieuse, la plus malheureuse aussi. Savez-vous que Haïti est la première colonie noire à s’être battue pour son indépendance puis, une fois son indépendance conquise, à prendre le régime de république ? Cela se passait à la fin du 18è s. Et pourtant, actuellement, le peuple haïtien est l’un des peuples les plus malheureux, à cause de la situation que vous connaissez. J’ai été fasciné par Haïti, parce que c’est une sorte « d’œil grossissant » pour toutes les Antilles, et pour l’Afrique aussi, et en étudiant l’histoire d’ Haïti, on pourrait avoir une idée de tous les problèmes du Tiers-Monde.

En ce qui concerne votre question sur l’œuvre « difficile », c’est un problème esthétique extrêmement important. Difficile ? Vous dirais-je qu’à mon avis, cela n’est pas entièrement, totalement vrai ? En ce qui concerne mon œuvre, en particulier mon recueil de poèmes « Cahier d’un retour au pays natal », je dois vous dire que ce qui m’a toujours frappé, c’est que malgré leur caractère de prime abord « ésotérique », mes lecteurs les plus compréhensifs sont des gens du peuple. Il y a des milliers d’Africains qui connaissent par cœur de grands extraits du « Cahier d’un retour… », et pourtant c’est une œuvre difficile. Les hommes de culture française, occidentale, sont ceux qui parlent le plus de la difficulté de mon œuvre. Cette œuvre rejoint, par ses démarches, les démarches de la pensée dite « primitive ».

Des gens disent : « c’est du surréalisme ». Mais alors, beaucoup de paysans africains font du surréalisme sans le savoir, car la pensée africaine n’est pas analytique, sa démarche est synthétique, analogique et métaphorique. C’est cela le « surréalisme ». Le surréalisme est opposé à la tendance analytique occidentale, mais est conforme à la pensée africaine. Vous avez l’exemple de cet Africain, Amos Tutola, homme du peuple qui était concierge dans un hôtel, et qui s’est mis à écrire des œuvres d’une poésie et d’une fraîcheur extraordinaires, toutes en métaphores. S’il était sorti de l’université, on aurait dit : « c’est un surréaliste ». Le développement de la culture occidentale s’est fait au détriment du sens de l’image, et on est très surpris de voir combien mon œuvre, dite difficile par les intellectuels, est relative.

Mais il y a un problème malgré tout, et c’est pour cela que, depuis quelque temps, je me suis dirigé vers l’art théâtral. Pour moi, le théâtre est le moyen de sortir de la contradiction que vous signalez, et de mettre la poésie à la portée des masses, de « donner à voir » comme dirait Eluard. Le théâtre, c’est la mise à la portée du peuple de la poésie.

Le théâtre est très important dans nos pays sous-développés, il y a dans ces pays une faim de théâtre. Car ce sont des pays qui s’interrogent. Autrefois, ils étaient soumis à une domination étrangère, ils subissaient leur sort. Maintenant, ce sont eux qui forgent leur destinée, et mettent en question, et le théâtre est la mise en question de la vie par elle-même. Avec l’indépendance, le Tiers-Monde est arrivé à l’âge où l’on s’interroge sur soi-même, et c’est là l’âge du théâtre.

K.C. : Arthur Miller a écrit : « L’art se doit de témoigner sous peine de tomber dans l’artifice et la complaisance. Quand je parle de l’art en tant que témoin, c’est simplement pour lui rendre sa fonction première, qui est d’ouvrir les yeux à la vie et non pas de procurer un faux réconfort. » Cela, c’est le thème de « l’art engagé », un des thèmes les plus discutés du Tiers-Monde. Quels commentaires feriez-vous à propos de cette citation ?

A. Césaire : Je suis tout à fait d’accord avec cette phrase de Miller et, à ma manière, je considère que je témoigne. Le Roi Christophe est un témoignage. « Ouvrir les yeux à la vie », comme dit Miller, c’est ce que je disais tout à l’heure : « la vie qui prend conscience d’elle-même et fait prendre conscience (par le théâtre). » Je suis rigoureusement « engagé » et ne conçois pas qu’un artiste du Tiers-Monde ne soit pas engagé. Cela ne signifie pas que l’engagement permet d’éviter les problèmes esthétiques qui se posent à l’artiste, mais l’engagement est nécessaire. Je ne conçois même pas que nous ne puissions pas l’être. Je ne conçois pas que l’artiste puisse rester un spectateur indifférent, refusant de prendre une option.

Mais, attention à la notion d’engagement : engagement ne signifie pas pour l’artiste être engagé dans un parti politique, avoir sa carte de membre, et son numéro. Etre engagé, cela signifie, pour l’artiste, être inséré dans son contexte social, être la chair du peuple, vivre les problèmes de son pays avec intensité, et en rendre témoignage. Pour cite un maghrébin, Kateb Yacine par exemple est un homme absolument représentatif. Son œuvre reflète les souffrances du peuple algérien qui lutte pour la libération, elle porte témoignage. C’est cela l’engagement. Toute œuvre d’art, d’ailleurs, à condition d’être profonde, porte témoignage, et elle ne le peut que si elle est vraiment vécue, sous-tendue par tout le drame intérieur de l’écrivain, qui résulte de l’engagement. Kateb Yacine, c’est l’Algérie.

Ce qu’il faut distinguer, c’est les niveaux de l’engagement. L’engagement politique est un niveau. Mais ce n’est pas le seul niveau. Le deuxième niveau est celui de l’engagement de l’écrivain, et cet engagement est plus fort encore. Il faut fixer l’engagement de l’écrivain à son propre niveau. Si cela n’était pas vrai, alors Dostoïevski ne serait pas un artiste engagé, à cause de ses attitudes politiques. Et pourtant, Dostoïevski est un artiste engagé, qui porte témoignage, parce que nul n’a exprimé de manière aussi profonde la réalité du peuple russe.

Je lutte là contre une conception trop primaire et schématique de l’engagement, et contre la littérature des « mots d’ordre », la littérature « dirigée » qu’on a pu voir naître dans certains pays. L’artiste doit être suffisamment engagé dans sa situation pour vivre dramatiquement à lui tout seul les problèmes de son peuple. Dans cette optique, Kateb Yacine porte tout le drame du peuple algérien, tout comme Kafka portait le drame du peuple juif. C’est cela l’art engagé.


Le mariage "misyar" : entre parodie et libertinage

Khalid Chraibi

Mis en ligne en 2 parties : le 5 septembre et le 12 septembre 2006

Mis en ligne sur Wikipédia en français le 10 août 2006 sous le titre : Nikâh al Misyar

Définition du mariage misyar

Nikah al Misyar ("mariage du voyageur" en arabe) est un montage juridique qui permet à un couple musulman sunnite de s’unir par les liens du mariage, sur la base du contrat de mariage islamique usuel, sans que le mari ait à prendre d’engagements financiers vis-à-vis de sa femme. Cette dernière l’en dispense par une clause du contrat de mariage par laquelle elle renonce à certains de ses droits (tels que la cohabitation des époux, le partage égal des nuits entre toutes les épouses en cas de polygamie, le domicile, la subvention à l’entretien « nafaqa », etc...) (1).
L’épouse continue de mener une vie séparée de celle de son mari, et de subvenir à ses besoins par ses propres moyens. Mais, son époux a le droit de se rendre chez elle (ou au domicile de ses parents, où elle est souvent supposée résider), à toute heure du jour ou de la nuit, quand il en a envie. Le couple peut alors assouvir de manière licite des « besoins sexuels légitimes » (auxquels l’épouse ne peut d’ailleurs pas se soustraire).

Le mariage misyar constitue, d'après certains, une adaptation spontanée du régime du mariage aux besoins concrets de personnes qui n’arrivent plus à se marier de la manière traditionnelle dans des pays tels que l’Arabie Saoudite, le Koweït ou les Emirats Arabes Unis, à cause de la cherté des loyers et de la vie en général ; des montants élevés des dot exigés ; et d’autres raisons économiques et financières similaires. (2)

Il répond aussi aux besoins d'une société conservatrice qui sanctionne sévèrement le "zina" (la fornication) et autres relations sexuelles entretenues hors du cadre du mariage. Les théologiens expliquent qu’il convient aux jeunes aux moyens trop modestes pour fonder un foyer ; aux veuves aisées (nombreuses dans la région), ayant leur propre domicile et leurs propres ressources financières, et qui ne peuvent plus espérer se remarier selon la formule habituelle (ou ne le désirent pas), parce qu’elles ont par exemple des enfants à charge ; aux femmes divorcées (également nombreuses) ; ainsi qu’aux « vieilles filles » qui voient leur jeunesse se faner dans un célibat involontaire, sans avoir goûté aux joies du mariage, pour quelque raison que ce soit. Il y a ainsi un million et demi de femmes réduites au célibat forcé dans la seule Arabie Saoudite. (3)

Le cheikh d’Al-Azhar Muhammad Sayyed Tantawi, et le professeur Yusuf Al-Qaradawi notent cependant dans leurs écrits et leurs conférences qu’une très forte proportion des hommes qui prennent une épouse dans le cadre du mariage misyar sont des hommes déjà mariés. (4)
Certains traits de ce mariage évoquent le mariage mut’a, en vigueur en Arabie avant l’Islam, et pratiqué encore de nos jours par la communauté shiite, qui le considère comme une forme licite d’union, alors que les musulmans sunnites la considèrent comme illicite. (5)

Mais, le mariage mut’a est basé sur un contrat à durée déterminée, alors que le contrat de mariage misyar est d’une durée indéterminée (même si le mari n’envisage cette union, le plus souvent, que comme un mariage temporaire, qui débouche sur un divorce dans 80 % des cas).
La popularité du mariage misyar aujourd’hui résulte, probablement, d’une méconnaissance de sa véritable nature, et de ses implications légales au niveau du mari, de la femme et des enfants qui peuvent naître dans le cadre de ce mariage.

La licité du mariage « misyar »

Le mariage misyar soulève des questions importantes et complexes, tant sur le plan juridique que social : est-il licite ? Ne bafoue-t-il pas les droits légitimes de l’épouse ? Quelle est la valeur juridique de la renonciation de l’épouse à certains de ses droits ? Quelles sont les conséquences de cette situation sur le plan familial et social ?

Contrairement à une croyance largement répandue, le mariage misyar relève, sur le plan juridique, du régime général du droit musulman, et non d’un régime spécial. Sa conformité à toutes les exigences de la charia est une condition sine qua none de sa validité. Par conséquent, quand les juristes musulmans affirment qu’il est parfaitement licite, ils signifient simplement, par là, que l’acte de mariage doit remplir toutes les conditions requises par la charia (accord des parties, présence d’un tuteur dans certains rites, versement par le mari à son épouse (ou au « tuteur ») d’une dot d’un montant convenu entre eux (qui peut être important ou modeste, à leur gré), présence de témoins, publicité du mariage...). (6)

L’Académie Islamique du Fiqh (AIF), un organe spécialisé de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), vient de conforter ce point de vue dans une fatwa (7) du 12 avril 2006. (8) et (9)

La clause par laquelle la femme renonce à certains de ses droits (la cohabitation des époux, le domicile, la subvention à l’entretien (nafaqa)...) soulève, quant à elle, des questions de droit plus subtiles. Appartient-elle à cette catégorie de clauses bien connues en droit musulman, qui sont contraires à l’essence du mariage, et qui vicient et rendent nulle l’union légale qui en est assortie ? Ou bien encore, à cette deuxième catégorie de clauses, qui sont frappées de nullité, alors que l’acte de mariage reste valable ?

Le Cheikh d’Al-Azhar Muhammad Sayyed Tantawi rappelle, à cet égard, que le droit musulman confère aux époux le droit de convenir entre eux, dans le cadre du contrat de mariage, de certaines stipulations particulières relatives à leurs droits et obligations réciproques. Quand les époux conviennent, dans le cadre du mariage « misyar », que la femme renoncera à certains de ses droits d’épouse, cela est parfaitement légal, si telle est la volonté librement exprimée de l’épouse. (10)

L’ancien grand mufti d’Egypte Nasr Fareed Wassel ajoute, dans ce contexte, que la femme peut légitimement renoncer à certains de ses droits au moment du mariage, si elle le souhaite, du fait qu’elle a des ressources personnelles, par exemple, ou que son père se propose de continuer à subvenir à ses besoins. Mais, en cas de changement de circonstances, elle peut revendiquer tous les droits que la loi lui confère en sa qualité d’épouse (comme la « nafaqa » par exemple), parce que ce sont des droits inaliénables dans le cadre du mariage. (11)

Wassel souligne que la clause de renonciation ne constitue qu’une promesse de ne pas revendiquer certains droits. Elle a une portée morale certaine, mais est sans valeur sur le plan juridique. L’épouse peut donc la respecter tant qu’elle lui convient, et revenir dessus en cas de besoin.

Il observe qu’une telle clause n’affecte en rien, par ailleurs, les droit des enfants qui naîtraient de cette union, qu’il s’agisse de la reconnaissance de paternité, des effets de la filiation, de la prise en charge financière des enfants par leur père, des droits de l’épouse et des enfants à leur part d’héritage, etc. (12)

L’éminent théologien saoudien Abdullah bin Sulaiman bin Menie, membre du Conseil Supérieur des Ulémas d’Arabie Saoudite, corrobore ce point de vue. D’après lui, l’épouse peut revenir à tout moment sur sa renonciation et exiger de son époux de lui donner tous ses droits, y compris qu’il vive avec elle et qu’il prenne en charge sa « nafaqa ». Le mari est alors libre de lui donner satisfaction ou d’opter pour le divorce (comme tout mari en a le droit, de toutes les façons). (13)

Le professeur Yusuf Al-Qaradawi, (qui dit ne pas apprécier ce type de mariage, mais est bien obligé de reconnaître sa licité (14)), préfère carrément que la clause de renonciation ne soit pas inscrite dans l’acte de mariage, mais fasse l’objet d’un simple accord verbal entre les parties. (15) Il souligne à cet égard que les musulmans sont tenus par leurs engagements, qu’ils soient écrits ou verbaux.

Il conforte ainsi le point de vue de Wassel et de bin Menie sur cette question. Il ajoute que l’inclusion de cette clause dans l’acte n’invaliderait pas ce dernier, ce qui conforte le point de vue des deux autres juristes quand ils disent que la clause peut être contestée par la femme, et ne plus s’appliquer, sans que cela remette en cause la validité du mariage lui-même.

Effets pervers du mariage « misyar »

Bien que le mariage « misyar » soit parfaitement licite en droit, de l’avis des théologiens, et que l’épouse puisse à tout moment revendiquer les droits auxquels elle a renoncé lors de la conclusion de l’acte de mariage, de nombreux juristes comme Muhammad Ibn Othaymin ou Nassirouddine Al-Albany, (16) de même que de nombreux professeurs d’Al Azhar (17) s’opposent à lui du fait qu’il contredit l’esprit du droit du mariage islamique, et a des retombées négatives importantes sur la femme, sur la famille et sur la communauté.

Il conduit à une dégradation des mœurs au niveau des hommes, qui adoptent un comportement irresponsable vis-à-vis de leurs épouses. D’après l’expérience des « agences matrimoniales misyar », l’homme qui recourt au mariage « misyar » a déjà, le plus souvent, un domicile fixe et une épouse aux besoins de laquelle il pourvoit. (18)

Il ne lui viendrait pas à l’idée d’épouser une deuxième femme dans le cadre d’un régime de polygamie, s’il lui fallait obtenir l’accord préalable de sa première épouse et assumer des responsabilités financières additionnelles importantes vis-à-vis de sa seconde femme.
Mais, grâce au mariage « misyar », cet homme se sent dégagé de toute responsabilité financière et morale envers une deuxième épouse, comme si elle n’était qu’un partenaire sexuel licite, une maîtresse « halal ». Il croit qu’il peut mettre fin à cette relation par un simple acte de répudiation, à tout moment, sans aucune conséquence négative pour lui-même. (19)

Etant donné qu'il s’abstient généralement de parler de son remariage à sa première épouse, la relation au sein du couple en est faussée, et de grandes complications peuvent s'ensuivre, culminant même en un divorce, lorsque la femme finit par l’apprendre.

Quant à la seconde épouse, son statut est dévalorisé, parce qu’elle n’a aucun droit sur son mari, que ce soit au niveau du temps qu’il lui consacre, de sa présence dans le foyer, ou de l’aide qu’il peut lui apporter sur le plan financier. De plus, ce mariage débouche à plus ou moins long terme sur un divorce, (dans 80 % des cas, d'après certains), quand la femme ne convient plus à son mari. Elle se retrouve abandonnée, solitaire comme avant son mariage, mais traumatisée par l’expérience. Son statut social souffre aussi de sa répudiation.

Pour ces raisons, Al-Albany estime que le mariage « misyar » n’est pas licite, parce qu’il va à l’encontre des objectifs et de l’esprit du mariage en islam, tel qu’ils sont décrits dans ce verset du Coran :

« … parmi Ses signes qu’Il ait créé pour vous à partir de vous-mêmes des épouses, afin qu’auprès d’elles vous trouviez l’apaisement ; qu’Il ait entre elles et vous établi affection et miséricorde… » ? (20)

Le mariage misyar semble également s’inscrire à l’opposé de la recommandation du verset bien connu : "(Vous sont permises) les femmes vertueuses d'entre les croyantes, et les femmes vertueuses d'entre les gens qui ont reçu le Livre avant vous, si vous leur donnez leur mahr, avec contrat de mariage, non en débauchés ni en preneurs d'amantes." (21)

Al-Albany et Wassel soulignent aussi les problèmes familiaux et sociaux qui découlent du mariage misyar, en cas de naissance d’enfants dans le cadre d’une telle union. Les enfants élevés par leur mère dans un foyer dont le père est toujours absent, sans raison, connaissent parfois de graves perturbations sur le plan psychologique (16) et (22). La situation empire si la femme a été abandonnée ou répudiée par son mari "misyar", sans moyens de subsistance, comme c’est généralement le cas.

Quant à Ibn Othaymin, il reconnaît la licité du mariage misyar sur le plan purement juridique, mais estime qu’il faut s’y opposer parce qu’il s’est transformé en une véritable marchandise commercialisée sur une grande échelle par les « agences matrimoniales », sans aucun rapport avec la nature du mariage islamique. (16)

Les auteurs contestataires soulignent également les retombées négatives de ce type de mariage sur l’ensemble de la communauté, parce qu’il donne libre cours à des pratiques sexuelles qui donnent une fausse idée des croyances, des valeurs et des pratiques religieuses de la communauté.

Ainsi, de riches touristes musulmans de la région du Golfe se rendent régulièrement en vacances dans des pays exotiques où ils « épousent » des call-girls locales, selon les rites islamiques, pour que leurs ébats soient « halal » (licites sur le plan religieux). Dans certains cas, le notaire de l’ « agence matrimoniale » locale prépare en même temps les documents de mariage et ceux du divorce, pour gagner du temps. (23)

De telles parodies du mariage islamique portent préjudice à l’image de l’ensemble de la communauté, et peuvent aussi avoir une mauvaise influence sur la jeune génération.

De nouveaux codes de droit de la famille

Les défenseurs du mariage misyar reconnaissent qu’il se prête à de telles dérives, mais soulignent qu’elles ne sont pas de son seul fait. Elles découlent plus généralement de la manière dont les hommes interprètent et appliquent les règles du droit musulman : la polygamie débridée, la répudiation facile, associées à une grande richesse, en sont les facteurs de base.
Il serait donc plus juste d’expliquer cet état des choses comme un héritage des temps médiévaux, quand le mariage était défini par les auteurs musulmans comme « un contrat posé en vue d’acquérir le droit de jouir de la femme ». (24)

Les organisations féminines font souvent observer, à cet égard, que les versets du Coran et les Hadiths relatifs à ces questions ont le plus souvent été interprétés, tout au long de l’histoire des sociétés islamiques, en faveur des hommes et au détriment des droits des femmes et des enfants. (25)

Elles rappellent que de nombreux mouvements féministes et auteurs réformistes ont demandé, tout au long du 20è s., qu’il soit procédé à une lecture différente du droit musulman de la famille, en utilisant une approche moderne, en vue de l’adapter aux besoins d’une société contemporaine. A leur avis, il est possible de respecter scrupuleusement aussi bien les prescriptions coraniques que les dispositions des conventions internationales relatives aux droits de la femme et de l’enfant. (26)

Mais, cela implique que la communauté islamique moderne reconnaisse à leur juste valeur le rôle central de la femme et de la famille comme des piliers de la communauté, au lieu de les dévaloriser. Il ne serait plus possible aux hommes de recourir à des « hiyals » (ruses juridiques pour contourner les dispositions légales), telles que celles sur lesquelles le mariage « misyar » est basé, pour traiter leurs épouses en citoyens de seconde classe.

Différents pays musulmans ont procédé à une réinterprétation des dispositions de la charia relatives au droit de la famille, à la lumière des besoins d’une société moderne, dans le cadre d’un « ijtihad » (interprétation juridique) propre à chaque pays. Chacun d’eux a établi de nouvelles règles d’application de telles dispositions en fonction de ses circonstances, de ses besoins et de ses objectifs sociaux.

La définition suivante du mariage, qu’on peut lire dans un Code de la famille adopté récemment, illustre la manière dont ces pays essaient d’établir un nouvel équilibre dans les relations au sein de la famille, entre le mari et l’épouse :

« Le mariage est un pacte fondé sur le consentement mutuel en vue d’établir une union légale et durable, entre un homme et une femme. Il a pour but la vie dans la fidélité réciproque, la pureté et la fondation d’une famille stable sous la direction des deux époux, conformément aux dispositions du présent Code ». (27)

Dans les pays où de telles lois ont été promulguées, le mariage « misyar » ne peut pas avoir cours.

Notes et Références :

(1) Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage [1]
(2) Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage [2]
(3) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, (1999), (en arabe), p 10
(4) Jobarti, Somayya : Misyar marriage – a marvel or misery ? [3]
(5) Al-Qaradawi, Yusuf : Mut’ah marriage [4]
(6) Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage [5] et Zawaj al misyar, p 11
(7) Une fatwa, qu’elle émane du Cheikh d’Al Azhar, du Grand mufti d’Egypte, ou de l’Académie Islamique du Fiqh (AIF) par exemple, n’est pas un texte de loi ou une décision judiciaire dont l’application s’impose de manière impérative à qui que ce soit. Son objectif est de présenter un point de vue juridique compétent qui permet à toutes les parties intéressées de mieux saisir ce que la loi dit sur une question d’actualité, d’après l’auteur de la fatwa. Les conclusions de la fatwa ne s’imposent qu’à lui-seul. Ainsi, nul des 43 Etats-membres de l’AIF n’a la moindre obligation d’appliquer les dispositions de la fatwa de l’AIF, qui sont d'ailleurs incompatibles avec les législations nationales de certains d'entre eux en matière de droit de la famille. De même, à titre d’illustration supplémentaire, lorsque les autorités d’Arabie Saoudite demandent à l’organisme officiel national de fatwa son opinion juridique sur quelque point que ce soit, elles ne sont sous aucune obligation d’appliquer la fatwa que cet organisme leur donne en réponse à leur demande. Voir interview de Sheikh Abdul Mohsen Al-Obeikan, vice-ministre de la Justice d'Arabie Saoudite, qui discute de la valeur légale de la fatwa de l'AIF [6]
(8) Al-Marzuqi Saleh Secrétaire Général AIF, interviewé par TV Alarabiya.net le 12/04/06 au sujet des décisions de l’AIF [7]
(9) An-Najimi, Muhammad : membre de l’AIF, interviewé par TV Alarabiya.net le 28/04/06 au sujet des décisions de l’AIF [8]
(10) cité dans Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (en arabe), p. 14 ; voir également Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, (1999), (en arabe), p. 12
(11) cité dans Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (en arabe), p. 16
(12) cité dans Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (en arabe), p. 16 ; voir également Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, p. 15 où il recommande que le contrat de mariage misyar soit enregistré pour préserver les droits des enfants en cas de contestation.
(13) cité par Al-Hakeem, Mariam : Misyar marriage gaining prominence among Saudis [9]
(14) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar p. 8
(15) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar , pp.13-14
(16) Bin Menie, Abdullah bin Sulaïman : fatwa concernant le marriage misyar (et opinions d’Ibn Othaymin, Muhammad Saleh et Alalbany, Nassirouddine sur la même question) (en arabe) [10]
(17) Yet another marriage with no strings [11] fatwa committee of al azhar against misyar
(18) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, p. 24 - voir également : Jobarti, Somayya : Misyar marriage – a marvel or misery ? [12]
(19) Marriage of convenience is allowed, says Grand Imam Tantawi [13]
(20) (Coran, XXX : 21)
(21) (Coran, V : 5)
(22) Wassel cité dans Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (en arabe), p 16)
(23) Arabian Sex Tourism [14] – voir aussi : Indonesia Deports Saudis for Running Marriage Racket [15]
(24) Chehata, Chafik : droit musulman, Dalloz, Paris, 1970, p. 68
(25) Voir par exemple Ahmed, Leila : Women and gender in islam, Yale University Press, 1992 – ou Hassan, Raf’at, Islam and women’s rights (arabic translation, 2000) – ou Amin, Qassim : Tahrir al mar’a
(26) Voir par exemple Zineddine, Nadhera : Assoufour wal hijab – ou Zineddine, Nadhera : Alfatat wa chchouyoukh
(27) Royaume du Maroc, Code de la famille, 3 février 2004, art. 4 [16]

Liens externes

Anglais

• Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage [17]
• Al-Qaradawi, Yusuf : Mut’ah marriage [18]
• Al-Qaradawi, Yusuf : The philosophy of marriage in islam [19]
• Kutty : Conditions of valid marriage [20]
• Siddiqi : Witnesses and mahr (dower) for marriage [21]
• Al-Qasim : Temporary marriage (mut'ah) [22]
• Urfi marriage [23]
• Yet another marriage without strings [24] fatwa committee of al azhar against misyar
• Misyar marriage [25]
• Misyar marriage [26]
• Misyar marriage [27]
• Misyar marriages [28]
• Dahiru Atta, Aisha : Misyar marriages : a puzzle or a solution ? [29]
• Misyar marriage – a marvel or misery ? [30]
• Misyar offers marriage-lite in strict Saudi society [31]
• Al-Hakeem, Mariam : Misyar marriage gaining prominence among Saudis [32]
• Part time marriage the rage in Egypt [33]
• No strings attached marriage enrages Gulf women [34]
• Prostitution is now official and religiously condoned in Arab land [35]
• Marriage or mockery ? [36]
• Al-Obeikan, Sheikh Abdul Mohsen, vice-ministre de la Justice d'Arabie Saoudite : interview de Asharq al-Awsat du 09/07/06 où il discute de la valeur légale de la fatwa de l'AIF [37]
• Khalid Chraibi : "Misyar" marriage [38]

Arabe

• Al-Marzuqi Saleh Secrétaire Général AIF interviewé par Alarabiya.net au sujet des décisions de l'AIF 12/04/2006 [39]
• An-Najimi, Muhammad : membre de l’AIF, interviewé par AlArabiya.net au sujet des décisions de l’AIF (28/04/06) [40]
• Bin Menie, Abdullah bin Sulaïman : fatwa concernant le marriage misyar (et opinions d’Ibn Othaymin et Al-albany sur la même question)
[41]
• Sharia ruling [42]
• BinBaz : Mesyar marriage and its conditions [43]

Mis en ligne sur Wikipedia en anglais le 10 août 2006

Nikah Misyar

Definition of a Misyar Marriage

Nikah Misyar or "travellers' marriage" (Arabic: نكاح المسيار) can be described as a legal framework of marriage in which a Muslim couple is united by the bonds of marriage, based on the usual Islamic marriage contract, but without the husband having to take the usual financial commitments with respect to his wife. The latter exempts him from some of them by a clause of the marriage contract through which she gives up some of her rights (such as cohabitation with the husband, the equal division of the nights between all the wives in the event of polygamy, the residence, the subsidy of maintenance "nafaqa", etc...). (1)

The wife continues to carry out a separate life from that of her husband, living in her home and providing for her needs by her own means. But her husband has the right to go to her home (or to the residence of her parents, where she is often supposed to reside), at any hour of the day or the night, whenever he wants to. The couple can then appease in a licit way their "legitimate sexual needs" (to which the wife cannot refuse herself).

The marriage misyar represents, according to some, a spontaneous adaptation of the mode of marriage to the concrete needs of people who are not able any more to marry in the traditional way in countries such as Saudi Arabia, Kuwait or the United Arab Emirates, because of the dearness of the rents ; the high cost-of-life in general; the high amounts of dowry required; and other similar economic and financial reasons. (2)

It fits the needs of a conservative society which punishes severely “zina” (fornication) and other sexual relationships which are established outside the bonds of marriage. The theologians explain that it is suitable for young people whose resources are too limited to found a home ; for the all too-numerous widows living in the area, who have their own residence and their own financial resources, and who cannot hope to marry again according to the usual formula (or do not wish to), because they have dependent children, for example ; for the numerous divorcees ; as well as for the "old maids" who see their youth fading in an involuntary celibacy, without having tasted the joys of marriage, for one reason or another. Thus, a million and half women are reduced to a situation of forced celibacy in Saudi Arabia alone. (3)

The Sheikh of Al-Azhar Muhammad Sayid Tantawi and the well-known theologian Yusuf Al-Qaradawi note, however, in their writings and in their lectures, that a major proportion of the men who take a spouse in the framework of the marriage "misyar" are already married men. (4)

Some traits of this marriage are reminiscent of the Nikah Mut'ah which was practised in Arabia before Islam, and is still practised by Shia Muslims as a legitimate form of marriage, although it is considered as an illicit one by Sunni Muslims. (5)

But, whereas the Nikah Mut'ah is based on a contract with a fixed date of expiration, the Misyar marriage contract is concluded for an indeterminate period (even though the husband who enters into this union looks at it only as a temporary marriage, which ends up in divorce in 80 % of the cases).

The popularity of misyar marriage today results, probably, from a misunderstanding about its real nature, and about its true legal implications for the husband, the wife and the children that may be born from this marriage.

Licitness of misyar marriage

From a legal standpoint, the marriage "misyar" raises several complex issues : is it licit ? Doesn’t it violate the wife’s legitimate rights ? What is the legal value of the wife’s renunciation to some of her rights ? What effets does this situation have on the family and at the social level ?
Contrary to widely-held beliefs, misyar marriage fits within the general regime of marriage in Muslim law, and not in a special regime. Its fulfillment of all the requirements of the sharia is a sine qua none condition for its validity.

Thus, when Muslim theologians say that the "misyar" marriage is perfectly licit, all they mean is that the contract on which it is based must fulfill all the requirements set out by the charia (agreement of both parties ; presence of a tutor in certain rites ; payment by the husband to his wife (or to the "tutor") of a dowry of an amount agreed upon between them (which can be important or modest, according to their wishes) ; presence of witnesses ; publicity of the marriage...). (6)

The Islamic Fiqh Academy (IFA), a specialized body of the Organization of the Islamic Conference (OIC), has conforted this point of view in a fatwa (7) of April 12, 2006. (8) and (9)
The clause by which the woman gives up some of her rights (the cohabitation of the couple, the residence, the subsidy towards maintenance (nafaqa)...) raises, for its part, more subtle points of law. Does it belong with this category of well-known clauses in Muslim law which are against the essence of the marriage contract, and which vitiate the latter and make it null, as well as the legal union which is based upon it? Or, maybe, with this second category of clauses which are struck of nullity, whereas the marriage contract remains valid?

The Sheikh of Al-Azhar Muhammad Sayyed Tantawi reminds one, in this respect, that Muslim law confers on the parties the right to set up in the marriage contract certain particular stipulations relative to their reciprocal rights and obligations. When the parties agree, within the framework of the marriage "misyar", that the woman will give up some of the rights the law confers to her as a wife, this is perfectly legal, if that is her will freely expressed. (10)

The former mufti of Egypt Nasr Fareed Wassel adds, for his part, that the woman can legitimately give up some of her rights at the time of marriage, if she so wishes, owing to the fact that she has private means, for example, or that her father intends to continue to provide for her needs. But, in the event of a change of circumstances, she can assert all the rights which the law confers to her in her capacity as a wife (like the "nafaqa" for example), because these are inalienable rights within the framework of the marriage. (11)

Wassell notes that the clause of renunciation constitutes only a promise not to assert certain rights. It has an undeniable standing as a moral commitment, but is of no value on the legal level. The wife can thus respect it as long as she wishes, and reclaim all her legal rights when she needs to do so.

He adds that such a clause does not affect in any way the rights of the children who could be born from this union, such as the recognition of paternity, the effects of filiation, the financial responsibility of the father for his children, or the lawful rights of the wife and children to their share of inheritance, etc. (12)

The eminent Saudi theologian Abdullah bin Sulaiman bin Menie, a member of the Higher Council of Ulemas of Saudi Arabia, corroborates this point of view. In his opinion, the wife can denounce at any time the renunciation she agreed to at the time of marriage, and require of her husband that he give her all her rights, including that he live with her and provide for her financial needs ("nafaqa"). The husband can then either give her satisfaction or grant her a divorce (a right that any husband can exercise at any time, anyway). (13)

Professor Yusuf Al-Qaradawi , for his part, observes that he doesn’t support this type of marriage, but has to recognize that it is licit (14). He then states straightforwardly his preference that the clause of renunciation be not included within the marriage contract, but be the subject of a simple verbal agreement between the parties (15). He underlines the fact that Muslims are held by their commitments, whether they are written or verbal.

He thus conforts the point of view of Wassel and bin Menie on this question. He adds that the inclusion of this clause in the act would not invalidate the latter, which rejoins the point of view of the other two lawyers when they say that the clause can be denounced by the woman, and be declared without legal value, without calling into question the validity of the marriage itself.

Negative effects of misyar marriage

Despite the fact that the "misyar" marriage is perfectly legal, according to the theologians, and that the wife can reclaim at any time the rights which she gave up at the time of establishment of the marriage contract, many theologians like Muhammad Ibn Othaymin or Nassirouddine Al-Albany (16), as well as many Al Azhar professors (17), are opposed to this type of marriage because it contradicts the spirit of the islamic law of marriage and has perverse effects on the woman, the family and the community in general.

It leads to a degradation of men’s morals, resulting in an irresponsible behaviour towards their spouses. Based on the experience of the "misyar marriage agencies", the man who resorts to the "misyar" marriage is usually married to a first wife with whom he shares a residence, and to the financial needs of whom he provides. (18)

It wouldn’t come to this man’s mind to marry a second wife within the regime of polygamy, if he had to obtain the agreement of his first wife and to assume important additional financial responsibilities towards his second wife.

But, thanks to the "misyar" marriage, this man feels relieved of any financial or moral responsibility towards his second wife, as if she were only a licit sexual partner, a mistress “halal”. He thinks he can bring this relationship to an end by a mere act of repudiation, at any time, without any negative consequences for himself. (19)

Since he usually refrains from telling his first wife of his second marriage, the relationship within the couple is distorted, resulting at times in major complications which can even end in divorce, when the first wife finds out about the situation.

As to the second wife, her status is devalued, because she does not have any right on her husband, be it over the time he gives her, his presence at her home, or his financial contribution to help her cover her own needs. Moreover, this type of marriage ends up sooner or later in divorce, (in 80 % of the cases, according to some), when the wife is no longer to the liking of the husband. She finds herself abandoned, to lead a solitary life as before the marriage, but traumatized by the experience. Her social status also suffers from her repudiation.
For these reasons, Al-Albany considers that the "misyar" marriage is not licit, because it runs counter to the objectives and the spirit of marriage in islam, as described in this verse from the Quran :

“And among His Signs is this, that He created for you mates from among yourselves, that ye may dwell in tranquillity with them, and He has put love and mercy between your (hearts)…” (20)

It also seems to run counter to the recommendations of this well-known verse from the Quran :
“(Lawful unto you in marriage) are (not only) chaste women who are Believers, but chaste women among the People of the Book, revealed before your time, when ye give them their due dowers, and desire chastity, not lewdness, nor secret intrigues.” (21)

Al-Albany and Wassel also underline the family and social problems which result from the “misyar” marriage, particularly in the event that children are born from this union. The children raised by their mother in a home from which the father is always absent, without reason, may develop serious disturbances on the psychological level (16) and (22). The situation becomes even worse if the wife is abandoned or repudiated by her husband "misyar", with no means of subsistence, as usually happens.

As for Ibn Othaymin, he recognizes the licity of “misyar” marriage from the legal standpoint, but considers that it should be opposed because it has been turned into a real merchandise that is being marketed on a large scale by “marriage agencies”, with no relation to the nature of Islamic marriage. (16)

The authors who oppose this type of marriage also underline its harmful effects on the community at large, in that it allows the development of questionable sexual practices which put the community's religious beliefs, values and practices in a dubious light.

Thus, wealthy Muslim tourists from the Gulf region regularly go on vacation to exotic places where they “marry" local call-girls according to Islamic rites, in order for their frolicking to be "halal" (licit in a religious sense). In some cases, the notary of the local “marriage agency” prepares simultaneously the papers of marriage and those of divorce, to save time. (23)
Such parodies of islamic marriage carry a prejudice to the image of the whole community, and can also have a bad influence on the younger generation.

New family law codes

The proponents of the marriage "misyar", though they recognize that it can result in such drifts, observe that it doesn’t have a monopoly on them. They result, more generally, from the way in which men interpret and apply the rules of Muslim law : unslung polygamy, easy repudiation, associated with great wealth, are its basic factors.

It would therefore be more accurate to explain this state of things as a heritage from medieval times, when marriage was defined by Muslim authors as "a contract posed in order to acquire the right to enjoy the woman". (24)

Women organizations often observe, in this respect, that the Quranic verses and the Hadiths which deal with these issues have, more often than not, been interpreted, throughout Muslim history, in favour of men and at the expense of women's and children's rights. (25)

They remind one that numerous feminine movements and reformist authors have been asking, throughout the 20th c., for a different reading of Muslim family law, using a modern point of view, in order to adapt it to the needs of a modern society. In their view, one can scrupulously respect both the provisions of a religious nature and women's and children’s rights, as established by modern international law. (26)

But this requires that the modern Muslim community recognize at its proper value the central role of the woman and the family within the community, instead of devaluing them. It wouldn’t be possible, anymore, for men to resort to "hiyals" (legal gimmicks to go around the law) such as those on which the marriage "misyar" is based, to treat their spouses as second class citizens.
Various Islamic countries have reinterpreted the provisions of the charia relative to family law, in the light of the needs of a modern society, through their own "ijtihad" (legal scholarship) efforts. Each one of them has set for itself new rules of application of these dispositions, based on its own circumstances, needs and social objectives.

The following definition of marriage, which one can read in a recently adopted Code of family law, illustrates how these countries are trying to establish a new equilibrium in the relationships within the family, between husband and wife :

“Marriage is a pact based on mutual assent in order to establish a legal and durable union, between a man and a woman. Its purpose is a life in reciprocal fidelity, purity and the foundation of a stable family under the direction of the two spouses, in accordance with the provisions of this Code.” (27)

In the countries which have promulgated such laws, "misyar" marriage cannot take place.

Notes and Références :

(1) Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage [1]
(2) Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage [2]
(3) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, (1999), (in arabic), p 10
(4) Jobarti, Somayya : Misyar marriage – a marvel or misery ? [3]
(5) Al-Qaradawi, Yusuf : Mut’ah marriage [4]
(6) Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage [5] et Zawaj al misyar, p 11
(7) A fatwa, whether it originates with the Sheikh of Al-Azhar, with the Mufti of Egypt, or with the Islamic Fiqh Academy (IFA), for example, is not a text of law or a court order with which everybody must comply, whether he likes it or not. A fatwa’s objective is merely to present a qualified legal point of view, which makes it possible for all interested parties to better understand what the law has to say on a given topic, according to the author of the fatwa. The only person that is committed to the fatwa is its author. Thus, none of the 43 member States of IFA is under any compulsion to apply the IFA fatwa, whose provisions may even be incompatible with the national codes of family law of some of them.
As another illustration of this point, one can observe that when the Saudi authorities ask the official Saudi fatwa organization for its legal opinion on any matter, they are under no compulsion to apply the fatwa that this organism gives them in response to their request.
See interview of Sheikh Abdul Mohsen Al-Obeikan, vice-minister of Justice of Saudi Arabia, who discusses the legal value of the IFA fatwa [6]
(8) Al-Marzuqi Saleh Secretary General IFA, interviewed by TV Alarabiya.net on 12/04/06 concerning the IFA decisions [7]
(9) An-Najimi, Muhammad : member of IFA, interviewed by TV Alarabiya.net on 28/04/06 concerning the IFA decisions [8]
(10) quoted in Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (in arabic), p. 14 ; see also Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, (1999), (in arabic), p. 12
(11) quoted in Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (in arabic), p. 16
(12) quoted in Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (in arabic), p. 16 ; see also Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, p. 15 in which he recommends that the marriage contract be registered to protect the rights of children in case of dispute.
(13) quoted by Al-Hakeem, Mariam : Misyar marriage gaining prominence among Saudis [9]
(14) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar p. 8
(15) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar , pp.13-14
(16) Bin Menie, Abdullah bin Sulaïman : fatwa concerning the marriage misyar (and opinions by Ibn Othaymin, Muhammad Saleh et Alalbany, Nassirouddine on the same subject) (in arabic) [10]
(17) Yet another marriage with no strings [11] fatwa committee of al azhar against misyar
(18) Al-Qaradawi, Yusuf : Zawaj al misyar, p. 24 - see also : Jobarti, Somayya : Misyar marriage – a marvel or misery ? [12]
(19) Marriage of convenience is allowed, says Grand Imam Tantawi [13]
(20) (Quran, XXX : 21)
(21) (Quran, V : 5)
(22) Wassel quoted in Hassouna addimashqi, Arfane : Nikah al misyar (2000), (in arabic), p 16)
(23) Arabian Sex Tourism [14] – see also : Indonesia Deports Saudis for Running Marriage Racket [15]
(24) Chehata, Chafik : droit musulman, Dalloz, Paris, 1970, p. 68
(25) See for example Ahmed, Leila : Women and gender in islam, Yale University Press, 1992 – or Hassan, Raf’at, Islam and women’s rights (arabic translation, 2000) – or Amin, Qassim : Tahrir al mar’a
(26) See for example Zineddine, Nadhera : Assoufour wal hijab – or Zineddine, Nadhera : Alfatat wa chchouyoukh
(27) Kingdom of Morocco, Code of family law, 3 February 2004, art. 4 [16]

External links

English
• Al-Qaradawi, Yusuf : Misyar marriage [19]
• Al-Qaradawi, Yusuf : Mut’ah marriage [20]
• Al-Qaradawi, Yusuf : The philosophy of marriage in islam [21]
• Kutty : Conditions of valid marriage [22]
• Siddiqi : Witnesses and mahr (dower) for marriage [23]
• Al-Qasim : Temporary marriage (mut'ah) [24]
• Urfi marriage [25]
• Yet another marriage without strings [26] fatwa committee of al azhar against misyar
• Misyar marriage [27]
• Misyar marriage [28]
• Misyar marriage [29]
• Misyar marriages [30]
• Dahiru Atta, Aisha : Misyar marriages : a puzzle or a solution ? [31]
• Misyar marriage – a marvel or misery ? [32]
• Misyar offers marriage-lite in strict Saudi society [33]
• Al-Hakeem, Mariam : Misyar marriage gaining prominence among Saudis [34]
• Part time marriage the rage in Egypt [35]
• No strings attached marriage enrages Gulf women [36]
• Prostitution is now official and religiously condoned in Arab land [37]
• Marriage or mockery ? [38]
• Al-Obeikan, Sheikh Abdul Mohsen, vice-ministre de la Justice d'Arabie Saoudite : interview de Asharq al-Awsat du 09/07/06 où il discute de la valeur légale de la fatwa de l'AIF [39]
• Khalid Chraibi : "Misyar" marriage [40]

Arabic
• Al-Marzuqi Saleh Secretary General of IFA, interviewed by TV Alarabiya.net on the subject of the IFA decisions on 12/04/2006 [41]
• An-Najimi, Muhammad : member of IFA, interviewed by TV AlArabiya.net on the subject of the IFA decisions on (28/04/06) [42]
• Bin Menie, Abdullah bin Sulaïman : fatwa concerning marriage misyar (and opinions of Ibn Othaymin and Al-albany on the same subject)
• [43]
• Sharia ruling [44]
• BinBaz : Mesyar marriage and its conditions [45]


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