Khalid Chraibi
L’Union Marocaine pour la Qualité (UMAQ) a organisé, du 13 au 17 novembre 2006, la Semaine Nationale de la Qualité sous le thème : « Investir dans nos ressources humaines, c’est développer nos performances ». Elle a également placé l’édition 2006 du Prix National de la Qualité sous le thème : "Croire dans les ressources humaines, c'est la clé du succès". L’UMAQ appelle ainsi l’attention des entreprises sur l’une des ressources les moins valorisées de notre pays.
En effet, quand le chef d’entreprise marocain dresse la liste des atouts dont son entreprise dispose pour développer et diversifier ses activités, pour améliorer ses produits, ou pour étendre sa part de marché, que ce soit sur le plan national ou à l’étranger, ce ne sont pas les ressources humaines de l’entreprise qui lui viennent spontanément à l’esprit. Il pensera plutôt à des facteurs à son avis plus importants tels que les infrastructures, les biens d’équipement et les ressources financières dont l’entreprise dispose, les marques importantes qu’elle commercialise, les brevets qu’elle détient, la part de marché qu’elle occupe, l’assistance technique étrangère qu’elle peut éventuellement mobiliser dans ses activités, etc. Par contre, dans son esprit, le personnel sera le plus souvent considéré comme un facteur de production de l’entreprise, qui fait partie des rubriques de charges, et non de celles des ressources.
Cette vision des choses n’est pas propre au secteur industriel. Elle prédomine dans tout le pays. Ainsi, bien que le Maroc soit un pays à vocation agricole, et que le nombre des experts en agriculture y soit des plus modestes, les ingénieurs agronomes marocains ont le plus grand mal à trouver un emploi dans les grandes propriétés agricoles privées. Les propriétaires terriens préfèrent, en effet, faire l’économie du salaire d’un ingénieur agronome, se contentant de petit personnel d’encadrement formé sur le tas pour prendre soin de leurs activités agricoles. Dans leur esprit, l’ingénieur agronome ne leur apportera pas grand’chose d’utile, pour justifier son salaire. Il ne sera pas une ressource qui enrichira leurs activités, mais plutôt une charge à éviter. Des exemples similaires, se rapportant à tous les métiers, viennent à l’esprit à foison.
En conséquence, on se retrouve dans la situation paradoxale où des diplômés de haut niveau, dans les spécialités les plus diverses, sont au chômage dans un pays où tout, en vérité, reste à faire pour répondre aux besoins quotidiens de la population ou pour améliorer son bien-être. Bien plus, ceux qui en ont la possibilité sont encouragés à partir à l’étranger, pour y chercher du travail, comme si le marché de l’emploi au Maroc était déjà saturé, et comme si ces diplômés ne pouvaient rien apporter d’utile à l’économie marocaine. Cette approche témoigne d’une méconnaissance grossière des données de la situation.
En effet, il y a cinq siècles déjà, le célèbre homme de loi et économiste français, Jean Bodin, affirmait : « Il n’y a de richesse que d’hommes ». Il signifiait par là que, dans le domaine militaire, sur lequel portait son analyse, ce sont les hommes, plus que tout autre facteur, qui font la puissance d’une nation. L’expérience des pays industrialisés au cours des derniers siècles témoigne, s’il en était besoin, que la proposition de Jean Bodin s’applique également à d’autres domaines, tels que ceux de l’économie ou de l’entreprise. En effet, les grandes puissances économiques contemporaines ont énormément misé, depuis plus d’un siècle, sur la valorisation de leurs ressources humaines, à travers l’enseignement généralisé, le développement de l’enseignement supérieur, l’aide aux étudiants, la formation professionnelle sur une grande échelle, la recherche, etc. Toutes ces mesures ont aidé à transformer les ressources humaines de ces pays en autant de leviers de développement de leur puissance et de leur richesse, tant au niveau des Etats qu’à celui des citoyens.
Aujourd’hui, les entreprises marocaines n’ont pas d’autre choix, si elles veulent survivre, que de se « mettre à niveau », selon l’expression consacrée, pour faire face, dans des conditions viables, à la concurrence internationale à laquelle elles seront confrontées, de manière de plus en plus vive, au cours des prochaines années. Il faut souligner à cet égard que même les entreprises qui faisaient le plus illusion, face à leurs concurrents nationaux, se sont révélées d’une grande vulnérabilité, ces dernières années, une fois confrontées à une concurrence étrangère déterminée.
Elles devront donc développer leur capacité de performance, en mettant en place des structures compétitives et des compétences techniques très fortes, que ce soit au niveau de leur organisation, de leur encadrement, ou de la gestion de leurs ressources matérielles, humaines, financières, techniques ou managériales.
La mise en place de structures et d’une politique de gestion méthodique des ressources humaines, à l’instar de ce qui se pratique dans les grandes entreprises occidentales, jouera un rôle essentiel dans le succès de cette opération, validant la proposition de l’UMAQ selon laquelle : « Croire dans les ressources humaines, c'est la clé du succès ».