Economia
Mai 2007
La charia, le « riba » et la banque
Khalid Chraibi
Un courant religieux conservateur, prenant naissance dans les Etats du Golfe, se propage depuis plusieurs années dans les autres pays musulmans, s’étendant à de nombreux aspects de la vie quotidienne. Par exemple, sous l’influence des prédicateurs du Moyen Orient, des Marocains se demandent, aujourd’hui, (comme beaucoup de musulmans résidant en Europe et en Amérique du Nord), si les opérations de banque moderne sont conformes à la charia, alors que d’autres citoyens n’hésitent pas à affirmer que seules les opérations des « banques islamiques » sont « halal ».
Cette influence des Etats du Golfe sur la culture des musulmans résidant dans d’autres pays, ressort clairement de la question posée, au cours de l’été 2006, au prédicateur qatari Yusuf al-Qaradawi, alors en visite au Maroc : un Marocain peut-il licitement contracter un prêt à intérêt auprès d’une banque marocaine, pour financer l’achat d’un logement, puisqu’il n’existe pas au Maroc de banques offrant des « produits islamiques » ?
Le prédicateur s’est référé à une décision du Conseil Européen de
L’influence des prédicateurs du Moyen Orient sur les Marocains, en matière de choix bancaires, s’amplifiera, sans doute, au cours des prochaines années, du fait que Bank al Maghrib a maintenant autorisé le système bancaire national à commercialiser des « produits islamiques » sélectionnés, dans le cadre de « fenêtres » spécialisées. Le revirement des autorités marocaines, qui se sont opposées au cours des deux dernières décennies à ce genre d’opérations, s’explique, entre autres, par l’engagement des opérateurs des pays du Golfe à investir plusieurs milliards de dollars dans l’économie marocaine, à la seule condition qu’on leur fournisse les « conduits » adéquats.
Au cœur du débat sur les institutions bancaires des deux types, on trouve le concept d’intérêt. La banque moderne l’applique dans ses opérations, alors que la banque « islamique » en nie l’utilisation. Or, dans l’esprit de nombreux musulmans, le concept d’intérêt est inextricablement lié à celui de « riba », que le Coran interdit de manière explicite et sans équivoque.
Le riba recouvre en premier lieu l’usure, sur l’interdiction de laquelle il y a unanimité. Mais, d’après une majorité des oulémas, il englobe aussi « l’intérêt sous toutes ses formes ». Mais, de nombreux experts estiment, depuis le milieu du 19è s., que l’extension de la notion de riba aux intérêts bancaires, sur la base du « qiyas » et de l’ijtihad, s’est faite sur des bases juridiques discutables, dans la mesure où les opérations de banque moderne sont de nature totalement différente de ce qui existait en Arabie, au temps de
En effet, ce n’est qu’aux 19è et 20è s., suite à l’occupation de différents pays musulmans par des Etats européens, que les structures bancaires modernes, utilisant des instruments financiers incorporant le concept d’intérêt, ont fait leur apparition dans ces pays. Les oulémas ont assez rapidement compris le fonctionnement du système, et réalisé que l’intérêt constituait une rémunération justifiée du capital financier et de l’épargne.
C’est ce qui explique que, depuis un siècle et demi, les Grands Muftis d’Egypte et Sheikhs d’Al-Azhar, ayant assimilé cette conclusion, déploient des efforts théoriques considérables pour établir la différence entre les intérêts bancaires (aux retombées économiques positives et donc souhaitables) et le riba prohibé.
Ce n’est guère le lieu de citer, ici, toutes les fatwas significatives énoncées sur ces questions, en Egypte, pendant le dernier siècle. Muhammad Abduh, Mahmud Shaltut, Muhammad Sayyed Tantawi ou Nasr Farid Wasil (tous Grands Muftis d’Egypte et Sheikhs d’Al-Azhar), sont les auteurs de textes importants, pour ne citer que certains des noms connus sur le plan international. Tous ces éminents experts de la charia considèrent que l’assimilation du riba à l’intérêt bancaire est discutable, et constitue une interprétation abusive des règles du droit musulman.
Abd al Mun’im Al Nimr, ancien ministre des Habous d’Egypte, fournit une bonne illustration de ces propos : « L’interdiction du riba se justifie par le tort porté au débiteur. Mais, puisqu’il n’y a aucun tort porté aux personnes qui procèdent à des dépôts dans une banque, l’interdiction du riba ne s’applique pas aux dépôts en banque. » Des raisonnements similaires s’appliquent aux divers autres aspects des opérations bancaires.
Quand on limite le domaine du riba à celui de l’usure, comme le font ces juristes islamiques éminents, la banque moderne n’est plus concernée par le riba, puisqu’elle ne se livre pas à l’usure. Et c’est exactement cela le raisonnement marocain en la matière, par exemple.
Transmis le mardi 27 juin 2006
Economia n° 6
Juillet 2006
Chronique Entreprise
Khalid Chraibi
Le poste de Président de
Bien qu’une demi-douzaine de noms de candidats aient été avancés dans la presse, de manière récurrente, pendant des mois, aucune des personnalités mentionnées n’a franchi le pas décisif de déposer un dossier de candidature. Cet état des choses inquiéta suffisamment le Président sortant pour qu’il demande à son Conseil juridique de lui indiquer la procédure légale à appliquer le 30 juin, le cas échéant, si personne ne se portait candidat aux fonctions de Président dans les délais impartis.
La « frilosité » des candidats potentiels s’explique en partie, d’après certains, par les mésaventures que le Président sortant de
Mais, le facteur explicatif le plus important réside probablement dans les calculs électoraux pointus auxquels les candidats peuvent se livrer, sur la base de la nouvelle distribution des voix électorales par adhérent, après la réforme des statuts de 2005. Compte tenu de la multiplicité des « clans » au sein de
La candidature « impromptue » de M. Hafid Elalamy à la présidence de
Les grands groupes qui le parrainent le présentent comme un « candidat de la dernière chance », l’homme au profil idoine pour « débloquer la situation » et pour impulser
Le candidat Elalamy observe : « Prendre la responsabilité de
Le candidat veut établir un dialogue constructif avec l’ensemble des interlocuteurs : pouvoirs publics, partenaires sociaux et autres. Les adhérents attendent de
Il insiste sur la nécessité d’éviter toute confusion entre le politique, l’économique et le stratégique. Il est important que chacun joue sa partition, toute sa partition mais uniquement sa partition. Le candidat, qui est féru de musique, explique : « Prenez un orchestre philharmonique. Vous avez des percussions, des violons et un chef d’orchestre. Lorsque les violonistes déposent leurs violons et s’improvisent percussionnistes, nous obtenons une cacophonie. Chacun doit assumer pleinement sa mission. Lorsque, au sein de
Le discours séduit, autant que la personnalité chaleureuse du candidat. Mais, sera-t-il vraiment capable de traduire son discours dans les faits, et saura-t-il maintenir l’équilibre indispensable entre les PME et les grandes entreprises, dans les préoccupations de
Economia
Décembre 2006
Chronique Entreprise
Il n’est de richesse que d’hommes
Khalid Chraibi
L’Union Marocaine pour la Qualité (UMAQ) a organisé, du 13 au 17 novembre 2006, la Semaine Nationale de la Qualité sous le thème : « Investir dans nos ressources humaines, c’est développer nos performances ». Elle a également placé l’édition 2006 du Prix National de la Qualité sous le thème : "Croire dans les ressources humaines, c'est la clé du succès". L’UMAQ appelle ainsi l’attention des entreprises sur l’une des ressources les moins valorisées de notre pays.
En effet, quand le chef d’entreprise marocain dresse la liste des atouts dont son entreprise dispose pour développer et diversifier ses activités, pour améliorer ses produits, ou pour étendre sa part de marché, que ce soit sur le plan national ou à l’étranger, ce ne sont pas les ressources humaines de l’entreprise qui lui viennent spontanément à l’esprit. Il pensera plutôt à des facteurs à son avis plus importants tels que les infrastructures, les biens d’équipement et les ressources financières dont l’entreprise dispose, les marques importantes qu’elle commercialise, les brevets qu’elle détient, la part de marché qu’elle occupe, l’assistance technique étrangère qu’elle peut éventuellement mobiliser dans ses activités, etc. Par contre, dans son esprit, le personnel sera le plus souvent considéré comme un facteur de production de l’entreprise, qui fait partie des rubriques de charges, et non de celles des ressources.
Cette vision des choses n’est pas propre au secteur industriel. Elle prédomine dans tout le pays. Ainsi, bien que le Maroc soit un pays à vocation agricole, et que le nombre des experts en agriculture y soit des plus modestes, les ingénieurs agronomes marocains ont le plus grand mal à trouver un emploi dans les grandes propriétés agricoles privées. Les propriétaires terriens préfèrent, en effet, faire l’économie du salaire d’un ingénieur agronome, se contentant de petit personnel d’encadrement formé sur le tas pour prendre soin de leurs activités agricoles. Dans leur esprit, l’ingénieur agronome ne leur apportera pas grand’chose d’utile, pour justifier son salaire. Il ne sera pas une ressource qui enrichira leurs activités, mais plutôt une charge à éviter. Des exemples similaires, se rapportant à tous les métiers, viennent à l’esprit à foison.
En conséquence, on se retrouve dans la situation paradoxale où des diplômés de haut niveau, dans les spécialités les plus diverses, sont au chômage dans un pays où tout, en vérité, reste à faire pour répondre aux besoins quotidiens de la population ou pour améliorer son bien-être. Bien plus, ceux qui en ont la possibilité sont encouragés à partir à l’étranger, pour y chercher du travail, comme si le marché de l’emploi au Maroc était déjà saturé, et comme si ces diplômés ne pouvaient rien apporter d’utile à l’économie marocaine. Cette approche témoigne d’une méconnaissance grossière des données de la situation.
En effet, il y a cinq siècles déjà, le célèbre homme de loi et économiste français, Jean Bodin, affirmait : « Il n’y a de richesse que d’hommes ». Il signifiait par là que, dans le domaine militaire, sur lequel portait son analyse, ce sont les hommes, plus que tout autre facteur, qui font la puissance d’une nation. L’expérience des pays industrialisés au cours des derniers siècles témoigne, s’il en était besoin, que la proposition de Jean Bodin s’applique également à d’autres domaines, tels que ceux de l’économie ou de l’entreprise. En effet, les grandes puissances économiques contemporaines ont énormément misé, depuis plus d’un siècle, sur la valorisation de leurs ressources humaines, à travers l’enseignement généralisé, le développement de l’enseignement supérieur, l’aide aux étudiants, la formation professionnelle sur une grande échelle, la recherche, etc. Toutes ces mesures ont aidé à transformer les ressources humaines de ces pays en autant de leviers de développement de leur puissance et de leur richesse, tant au niveau des Etats qu’à celui des citoyens.
Aujourd’hui, les entreprises marocaines n’ont pas d’autre choix, si elles veulent survivre, que de se « mettre à niveau », selon l’expression consacrée, pour faire face, dans des conditions viables, à la concurrence internationale à laquelle elles seront confrontées, de manière de plus en plus vive, au cours des prochaines années. Il faut souligner à cet égard que même les entreprises qui faisaient le plus illusion, face à leurs concurrents nationaux, se sont révélées d’une grande vulnérabilité, ces dernières années, une fois confrontées à une concurrence étrangère déterminée.
Elles devront donc développer leur capacité de performance, en mettant en place des structures compétitives et des compétences techniques très fortes, que ce soit au niveau de leur organisation, de leur encadrement, ou de la gestion de leurs ressources matérielles, humaines, financières, techniques ou managériales.
La mise en place de structures et d’une politique de gestion méthodique des ressources humaines, à l’instar de ce qui se pratique dans les grandes entreprises occidentales, jouera un rôle essentiel dans le succès de cette opération, validant la proposition de l’UMAQ selon laquelle : « Croire dans les ressources humaines, c'est la clé du succès ».
Transmis à Economia le 25/12/06
Economia
Janvier 07
Chronique entreprise
Mise à niveau : les raisons d’un échec
Khalid Chraibi
Le programme de mise à niveau des entreprises marocaines a eu 10 ans en 2006, mais ni l’Union Européenne qui l’a parrainé sur le plan financier et technique, ni les organismes marocains qui lui sont associés n’ont songé à célébrer cet anniversaire, tant le bilan qui peut en être dressé est décevant, comparé aux attentes.
Pourtant, lors de son lancement il y a 10 ans, le programme était doté, a priori, de tout ce qu’il fallait pour réussir. Il se justifiait du fait que, depuis le milieu des années 1990, l’économie marocaine s’était résolument ouverte sur le monde extérieur, avec l’adhésion du Maroc à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 1994, suivie de la signature de l’accord d’association avec l’Union Européenne (1996). Au cours des années suivantes, des accords ont été signés avec l’Association européenne de libre échange (1997) ; puis, avec la Turquie, la Tunisie, l’Egypte et
Dans l’optique de l’ouverture totale des frontières du Maroc aux produits et aux opérateurs étrangers en 2010, il était nécessaire de placer l’entreprise marocaine dans les meilleures conditions possibles pour assurer sa pérennité, conserver ses parts de marché sur le plan interne, et développer ses activités d’exportation, afin de profiter de la dynamique de la mondialisation.
Le programme de mise à niveau devait ainsi permettre de mener des actions dans des domaines aussi diversifiés que le renforcement des infrastructures ; l’amélioration de la formation professionnelle ; la promotion des exportations ; le renforcement des associations professionnelles ; le développement de l’infrastructure technologique ; la réalisation de diagnostics d’entreprises ; le financement de la mise à niveau, etc. Les associations professionnelles étaient mobilisées pour encourager leurs adhérents à y participer.
« Euro-Maroc Entreprise » fut créée pour gérer toutes ces activités sur le terrain. Elle devait réaliser des activités de pré-diagnostics, organiser le financement et la réalisation de diagnostics approfondis et de plans d’affaires, mettre en relation les entreprises marocaines avec des partenaires étrangers…
Mais, le programme eut beaucoup de mal à décoller, pour de multiples raisons. La multiplicité et la complexité des règles de fonctionnement de l’Union Européenne et les innombrables conditions à remplir pour le démarrage du programme entraînèrent des retards sévères dans sa mise en œuvre.
La démarche d’Euro-Maroc Entreprise était, de son côté, si pointilleuse et complexe, dans son souci de respecter toutes les règles et contraintes établies par l’Union Européenne pour la mise en œuvre du projet, qu’elle réduisit presque à néant son impact sur le secteur industriel. En 2002, Euro-Maroc Entreprise dressait le bilan suivant de ses opérations cumulées sur plusieurs années :
« Sur un total de 250 entreprises ayant déposé un dossier de demande à Euro-Maroc Entreprise depuis sa création, 150 ont été retenues et 100 pré-diagnostics ont été réalisés. Sur les 50 demandes déposées pour le passage à la deuxième phase, 20 ont pu être retenues jusqu’à présent. Un plan d’affaires a été réalisé pour une seule entreprise ».
Tirant la leçon de quelques cinq années de « démarrage » du programme, les différents partenaires procédèrent à sa refonte en 2002. En vue de dynamiser le processus, l’Etat renforça sa position comme acteur dans la mise en oeuvre du programme de mise à niveau. Mais, l’éparpillement des responsabilités entre de nombreux intervenants, en même temps que la centralisation des décisions à un niveau hiérarchique élevé, finit par gripper le système.
Une Agence nationale pour la promotion de
Les PME continuèrent d’expliquer leur peu d’empressement à y recourir par les nombreuses contraintes auxquelles elles étaient confrontées, dans les domaines de la fiscalité, du foncier et du crédit, entre autres.
Le programme continua d’être perçu par les utilisateurs potentiels comme un simple programme de bailleurs de fonds étrangers, qui ne suscitait guère de véritable mobilisation au niveau national. Il a fini par ressembler à une greffe que l’organisme aurait rejetée, pour de multiples raisons.
Seule, l’Union Européenne a sauvé la mise, grâce à sa stratégie gagnant-gagnant. En effet, si le programme de mise à niveau réussissait, il donnait beaucoup de travail aux cabinets-conseils européens qui devaient nécessairement être associés à l’opération de mise à niveau. Et s’il s’embourbait, c’étaient les entreprises européennes qui profiteraient de la situation, et trouveraient plus de facilité à s’imposer sur le marché marocain, face à des entreprises marocaines mal préparées à défendre leurs parts de marché.
Economia,
Février 2007
Chronique Entreprise
Plan « Emergence » et développement industriel
Khalid Chraibi
Avec l’ouverture progressive des frontières aux produits étrangers au cours des dernières années, le marché marocain a été inondé de produits d’importation qui ont connu une grande faveur auprès du public, au détriment des produits locaux. Des entreprises de plus en plus nombreuses connaissent de ce fait des difficultés certaines, parce qu’elles n’ont pas su mettre en œuvre des stratégies industrielles et commerciales efficaces pour protéger leurs parts de marché contre cette concurrence étrangère. L’échec de la politique de mise à niveau n’a fait qu’exacerber la vulnérabilité de telles entreprises.
Nonobstant cela, les industriels marocains sont invités à se tourner vers les marchés étrangers, pour y développer des débouchés pour leurs produits, afin de consolider leurs positions et de s’intégrer aux nouvelles donnes de la mondialisation du commerce. Mais, le peuvent-ils réellement ? Dans un monde industriel en mutation, à quel avenir l’industrie marocaine peut-elle raisonnablement aspirer ?
Les pouvoirs publics et les opérateurs industriels se sont évidemment sentis interpelés par ces questions au cours des dernières années, ce qui les a conduits à l’élaboration du plan « Emergence ». Ce dernier se propose de mettre en valeur les facteurs compétitifs d’industries marocaines choisies, pour mieux les positionner sur le plan international. Il s’articule, on s’en souvient, autour de quatre grands axes d’intervention :
Encouragement de la filière « offshore » de services et processus administratifs (tels que les « call-centers », la comptabilité, la gestion administrative, etc.) ;
Création de zones de sous-traitance industrielle centrées sur les activités d’exportation dans les domaines de l’automobile, de l’électronique, de l’aéronautique, etc. ;
La modernisation des secteurs agro-alimentaire (en particulier les fruits et légumes et les industries des corps gras) ; industries de transformation des produits de la mer ; textile ; et artisanat orienté export ; et
L’amélioration de l’environnement des affaires par la mise en œuvre de mesures appropriées d’ordre administratif, fiscal, etc., afin de donner aux opérateurs économiques les incitations et les appuis dont ils ont besoin pour développer leurs activités.
Le Plan « Emergence » constitue, ainsi, une sorte de plan de développement industriel axé sur les nouvelles opportunités de production et de commercialisation offertes par la mondialisation. Mais, peut-il réellement réaliser les objectifs ambitieux qu’il s’est fixés, tels que celui d’atteindre en dix ans le niveau de développement de la Malaisie, et en vingt ans celui de l’Espagne ? Peut-il surtout constituer des assises solides pour le développement de l’industrie marocaine de manière plus générale ?
La Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) est précisément spécialisée dans l’analyse de telles questions. Dans son « Rapport sur le commerce et le développement , 2006 » publié en septembre 2006, elle analyse l’évolution de l’environnement économique international et fait des recommandations au sujet des mesures de politique économique susceptibles d’entraîner la croissance économique et la création d’emplois, en relevant le niveau de vie à long terme dans les pays en développement.
La CNUCED observe que, dans de nombreux pays du Tiers Monde, « les mesures de libéralisation de l’économie adoptées dans les années 80 et 90, à la demande des organisations financières internationales, ont accentué les inégalités, au lieu de les atténuer. Elle souligne que toute prescription relative au développement économique doit tenir compte de la situation propre de chaque pays : il n’y a pas de solution unique et universelle. »
La CNUCED recommande aux gouvernements de renforcer les entreprises locales et de veiller à ce que les règles du commerce international et les conditions imposées par les institutions financières internationales ne brident pas de manière excessive ces pays en les empêchant d’adopter la ligne de conduite la plus favorable à leurs intérêts. Elle leur recommande également de protéger les entreprises naissantes, « en recourant avec circonspection aux subventions et aux droits de douane, jusqu’à ce que les producteurs locaux puissent affronter la concurrence internationale en vendant des produits de plus en plus élaborés ».
« Des subventions temporaires soigneusement conçues peuvent favoriser des investissements novateurs, de même que des mesures temporaires de protection à l’encontre des importations peuvent susciter des processus d’apprentissage parmi les entreprises locales. »
Elle recommande l’« intégration commerciale stratégique », permettant aux entreprises locales de s’introduire prudemment et de façon ordonnée sur les marchés internationaux.
La CNUCED apporte, indirectement, un complément d’éclairage utile aux actions retenues dans le cadre du Plan « Emergence », lorsqu’elle souligne que la restructuration économique ne peut être confiée uniquement aux forces des marchés, et que les gouvernements doivent faire preuve de volontarisme pour stimuler la dynamique de ces marchés.