Khalid Chraibi
Economia
Novembre 2006
Chronique entreprise
Au moment de présenter le projet de loi de finances 2007 au Parlement, le Ministre des Finances a toutes les raisons de se réjouir. L’économie marocaine témoigne d’une bonne santé, avec une croissance du PIB aux environs de 7,5 %, une inflation maîtrisée, un déficit inférieur à 3 %, malgré la facture pétrolière en hausse, et un compte courant extérieur excédentaire, grâce aux performances du tourisme (+ 29 %), aux recettes des MRE (+ 16,5 %) et à une amélioration des exportations (+ 11,7 %). Alors que les avoirs extérieurs sont à leur niveau le plus élevé, les recettes fiscales se sont également nettement améliorées (IS + 27 %, TVA + 18 %), grâce à l’amélioration aussi bien de l’activité économique que du rendement de l’administration.
Cette bonne tenue de l’économie marocaine en 2006 a rendu possible la mise en œuvre des changements fiscaux programmés pour 2007, comprenant, en particulier, une réforme de l’impôt sur le revenu (IGR, devenu IR), la promulgation du Code des impôts et la réforme de la fiscalité locale.
Le changement au niveau de l’IR touche aussi bien les taux que la grille des revenus : le seuil non imposable est relevé de 20 000 dh à 24 000 dh ; le taux applicable au salaire annuel supérieur à 120 000 dh est ramené de 44% à 42 % et une nouvelle tranche de 60 000 dh à 120 000 dh est créée, imposée au taux de 40 %. De ce fait, la pression sur les revenus salariaux enregistrera une baisse d’environ 3 % sur pratiquement tous les niveaux de salaire, améliorant le pouvoir d’achat de la population de manière générale.
Le code des impôts, qui sera promulgué en 2007, ne contiendra pas, quant à lui, de nouveautés significatives, mais récapitulera tous les éléments introduits dans les Lois de finances de 2004, 2005 et 2006. Placé sous les signes de l’harmonisation, la simplification et la réduction du nombre des articles (ramenés à 252 au lieu de 415 auparavant), il consacrera l’amélioration de l’administration fiscale et sa modernisation.
Quant à la réforme de la fiscalité locale, préparée par le ministère de l’Intérieur, avec l’appui de celui des Finances, elle sera marquée par la réduction du nombre de taxes locales, ramenées à onze, et se traduira par la mise en place de nombreux assouplissements. La taxe professionnelle se substituera à la patente et la taxe d’habitation remplacera la taxe urbaine. Tous ces changements devraient déboucher sur une simplification ainsi qu’une baisse de la pression fiscale locale.
La TVA, par contre, sera maintenue en l’état, sans changements majeurs en 2007. L’objectif de deux taux de TVA, réclamé de nombreux côtés, continuera de faire l’objet d’étude de la part des services de l’administration fiscale.
En ce qui concerne la réforme de l’IS, réclamée de longue date et avec persistance par le patronat, le Ministre des Finances «comprend la légitimité de cette revendication de la CGEM». Le principe d’une baisse de trois points du taux d’imposition des sociétés (de 35 à 32 %) est, semble-t-il, déjà acquis. Le Ministre observe, dans ce contexte, qu’ «il est vrai qu’à 35% le taux de l’IS est élevé mais, avec la provision pour investissement, il n’est réellement que de 28 à 30% ». La baisse de l’IS pourrait être envisagée pour l’année 2008, si les circonstances économiques et financières s’y prêtent. Si l’Etat décide d’appliquer cette réforme, il faudra alors supprimer la provision pour investissement dès 2007, puisque l’IS est toujours acquitté sur le bénéfice de l’exercice précédent. Mais, l’Etat doit d’abord identifier d’autres ressources à lever, pour compenser le manque à gagner important qui découlera de cette réforme.
Or, divers indicateurs économiques et financiers peuvent prêter à anxiété en 2007. A titre d’illustration, la croissance du PIB ne se situerait qu’à quelques 3,5 % par rapport à 2006. Le total des dépenses de la dette s’élèverait, quant à lui, à quelques 59 milliards dh, dont 9,5 milliards dh pour la dette extérieure (+ 2,75 %) et 49,6 milliards dh pour la dette intérieure (+ 40,8 %). Le coût du service de la dette s’accroîtra de quelques 33 % (correspondant à 30 % du budget général). Quant à la Caisse de compensation, elle absorbera près de 16 milliards dh.
Un taux d’endettement aussi élevé se situe clairement à un seuil critique qu’il n’est guère recommandable de dépasser, et rend les finances publiques bien vulnérables. Si l’on écarte l’option du recours à l’emprunt, le Ministère des finances en sera réduit à envisager d’autres options, telles que la privatisation de grandes entités publiques, qui pourraient faire tomber des recettes substantielles dans son escarcelle. Des organismes tels que l’OCP, la CDG, l’ODEP ou l’ONCF pourraient ainsi se trouver dans la ligne de mire des experts du Ministère, au cours des prochaines années.
Mais, la cession de tels organismes fera progressivement passer les fleurons de l’économie marocaine aux mains des étrangers, seuls assez riches pour s’en porter acquéreurs, même s’ils ne sont pas nécessairement aussi soucieux que les nationaux des besoins et des priorités du pays. Est-ce bien raisonnable de mettre des étrangers aux commandes de ce que nous avons édifié de mieux au Maroc, depuis un siècle, et d’en faire les décideurs de ce que sera le développement du pays à l’avenir ?
Par contre, le Ministère des Finances pourrait explorer avec profit les effets sur les finances publiques d’une réduction substantielle des dépenses associées au train de vie de l’Etat. Nul doute qu’il identifierait des économies considérables à réaliser en ce domaine. La sagesse populaire n’enseigne-t-elle pas, à cet égard, que le bon père de famille doit vivre selon ses moyens, sans commettre d’excès, ni dilapider son héritage, s’il en a fait un, ni laisser de dettes à ses héritiers ?